Le bocage, réservoir de biodiversité

Carte blanche

N° 395 - Publié le 1 janvier 2022
Bocage
Françoise Burel
Carte blanche
Françoise Burel
Écologue du paysage au laboratoire Ecobio à Rennes, médaille d'argent du CNRS

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Les paysages agricoles, en particulier les paysages de bocage caractéristiques de l’ouest de la France, ont beaucoup évolué ces dernières décennies. Le linéaire de haies a diminué des deux tiers et les replantations ne viennent pas encore compenser les haies détruites chaque année. Cette transformation des bocages a été pointée du doigt comme étant source d’une diminution forte de la biodiversité dans les paysages agricoles.

Suivi des oiseaux

Depuis les années 1980, le suivi des oiseaux communs en France montre une diminution constante des oiseaux des paysages agricoles. Ceci peut s’expliquer en partie par la réduction des éléments semi-naturels1. Une comparaison de la richesse en espèces de 9 groupes de plantes et d’animaux entre deux bocages voisins, l’un avec peu de haies et l’autre fortement bocagé, montre des réponses contrastées. Pour certains groupes, l’ouverture du paysage se traduit par une diminution du nombre d’espèces ; c’est le cas des diptères. Pour d’autres, comme les coléoptères carabiques, le nombre d’espèces varie peu mais elles sont remplacées. Et parfois, il n’y a pas de variation entre les deux paysages. C’est le cas par exemple des petits mammifères. Pour ces deux derniers groupes, la haie joue le rôle d’habitat, de refuge ou de corridor de déplacement. Elle est donc nécessaire pour la survie des espèces dans les paysages agricoles, notamment pour les coléoptères carabiques forestiers qui sont des espèces de grande taille (10 à 15 mm). Ils se déplacent en marchant et se reproduisent à l’automne. Leurs populations sont installées dans les bosquets ou les intersections de haies. Les individus utilisent les haies comme corridor de dispersion entre les populations, d’autant plus quand la végétation de la haie est dense. Au niveau du paysage, il a été montré que ces mêmes espèces forestières ne subsistent que s’il y a une certaine densité de haie2. Cela montre que le bocage joue un rôle fort pour la conservation de certaines espèces.

Espaces cultivés

Les haies des bocages sont en relation avec les cultures adjacentes et on ne peut comprendre la biodiversité d’un paysage sans considérer les espaces cultivés en sus des éléments semi-naturels. La végétation de la haie dépend de la culture adjacente qui influe sur les pratiques de gestion de la strate herbacée. Le bord de la haie est pâturé en bordure de prairie, alors qu'il est fauché en bordure de culture ; de même pour la strate arborée, elle est entretenue (coupe des branches) plus souvent le long d’une culture que le long d’une prairie. L’ouverture de la végétation, favorable à des espèces de champ, dépend donc de l’occupation du sol proche de la haie. Ces espèces de milieu ouvert sont intéressantes car elles participent à la protection des cultures. C’est le cas de coléoptères carabiques, de plus petite taille que les espèces forestières qui se reproduisent au printemps et qui sont prédatrices de limaces, de pucerons et de graines. Leur abondance dans les paysages agricoles est liée à la proportion de cultures et en particulier au ratio entre cultures d’hiver et de printemps qui offrent des ressources alimentaires à différentes saisons.

Il y a donc complémentarité entre haies et cultures pour favoriser la biodiversité dans les paysages agricoles. Les espèces forestières peuvent disparaître si l’on ouvre trop le paysage, alors que les espèces de champ, participant à la protection des cultures, sont favorisées par la diversité des cultures et l’existence de zones refuges non cultivées mais pas forcément densément végétalisées.

1. Tels que des haies, des friches, des bois, des prairies permanentes et des zones humides.

2. De 80 à 100 m linéaires par hectare,  même si les haies des paysages ouverts ont une végétation dense.

 

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