Quand la crise climatique s’en mêle

L'eau, en péril ?

N° 419 - Publié le 30 avril 2024
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Alors que leau douce est déjà une ressource rare et précieuse, le dérèglement du climat rend sa disponibilité plus aléatoire et de moins en moins équitablement répartie partout dans le monde.

Le futur de l’eau sur Terre est particulièrement difficile à prévoir. Mais de quoi dépend la quantité d’eau dont nous disposons ? « Il y a trois paramètres principaux, répond Jean-Raynald de Dreuzy, hydrogéologue et directeur de recherche CNRS à Géosciences, à Rennes. La quantité de précipitations, la température, qui conditionne l’évaporation, et la capacité des milieux à retenir l’eau. » Le dérèglement climatique fait varier ces indices et rend plus imprévisible la quantité d’eau disponible pour nos usages, mais aussi pour les milieux naturels.

« En Bretagne, les prévisions des années à venir tablent plutôt sur une augmentation de la quantité de pluie », pondère le chercheur. Ce qui ne veut pas dire « plus d’eau » pour autant : si les précipitations sont plus abondantes au printemps et en début d’été, elles seront captées par la végétation, sans bénéficier nécessairement aux réserves. C’est également sans compter sur l’impact des événements climatiques extrêmes, qui eux, vont se faire plus fréquents et plus intenses.

Une eau plus salée


L’une des conséquences tout à fait méconnue du dérèglement climatique sur l’eau est l’augmentation de sa salinité. Si c’est un mécanisme naturel dans les zones arides et semi-arides, il est généralisé par les pratiques agricoles et industrielles, et amplifié par les sécheresses et les inondations. « On parle beaucoup d’assèchement, mais ce n’est pas le seul problème », pose Christophe Piscart, directeur de recherche CNRS en écologie aquatique au laboratoire Ecobio1, à Rennes. « De la Seine aux terres camarguaises, l’eau s’évapore, les sels s’accumulent et la salinité augmente petit à petit. Les plantes ne peuvent plus se nourrir, les animaux s’intoxiquent, l’eau devient imbuvable… » Sur les côtes bretonnes, certains gros forages voient lentement leur eau devenir saumâtre : à trop prélever dans la nappe phréatique, l’eau de mer s’y infiltre par le bas. Une fois que la réserve est contaminée, il faut des siècles sans y toucher pour que l’eau soit douce à nouveau.

Modérer les usages


L’eau douce pourrait-elle pour autant disparaître ? « Oui, potentiellement, avance Jean-Raynald de Dreuzy. Localement et à certains moments, il peut y avoir de vraies crises hydriques, y compris en Bretagne. » Pour autant, des actions peuvent être menées pour amoindrir ce risque. « Il est absolument essentiel de mener un travail d’anticipation à l’horizon des 10 à 30 prochaines années, en faisant collaborer collectivités et scientifiques », dit encore le spécialiste. L’interconnectivité, c’est-à-dire le fait de relier entre elles les sources d’eau et les réseaux de distribution, est envisagée comme l’une des principales solutions… « Mais il y a des épisodes de sécheresse, déjà prévisibles, pour lesquels ça ne suffira pas. » Reste donc, pour que l’eau demeure douce et disponible, à modérer les usages qui en sont faits.

Anna Sardin

1. Écosystèmes, biodiversité, évolution.

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