Notre-Dame de Paris : les pierres ont parlé
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Le colloque “Premiers résultats du chantier scientifique de Notre-Dame” a fait le point sur la sauvegarde, le tri des matériaux et les recherches pour restaurer la cathédrale.
Huit groupes de chercheurs ont présenté leurs travaux, dont Arnaud Ybert1, historien à l’Université de Bretagne occidentale à Quimper, et l’ingénieur lorrain Cédric Moulis2, ambassadeurs du groupe de chercheurs “Pierre”. L’effondrement de la voûte a livré des pierres inaccessibles, comme les claveaux des arcs de voûte3. Ils ont étudié ceux d’un arc de la nef que les maîtres d’œuvre du ministère de la Culture veulent remonter au sol en priorité.
Des croix sur les faces cachées
Au sol, 77 claveaux ont été inventoriés4. Leur état de conservation varie car l’incendie du 15 avril 2019 les a fait chuter d’une trentaine de mètres. Ils ont subi le feu et l’eau. Les chercheurs ont étudié toutes leurs faces et observé des traces d’outils, utilisés pour les tailler. Des croix et des encoches gravées ont été découvertes sur leurs faces cachées. « Ces marques, longues de 10 à 16 cm, aideront à comprendre le montage de l’arc », précise Arnaud Ybert.
L'énigme d'une deuxième voûte
Ces croix ont déjà une retombée inattendue sur le plan historique. Le chantier de Notre-Dame de Paris a commencé en 1163. « Avant 1180, aucune croix n’a été répertoriée sur les éléments de voûtes de 23 édifices étudiés dans le Bassin parisien, souligne Arnaud Ybert. Des croix apparaissent entre 1180 et 1225 et leur usage ne devient systématique qu’ensuite. Or, tous les claveaux de Notre-Dame portent une croix ! » Les chercheurs supposent donc que la voûte a été posée pendant ou après la réfection des murs hauts et l’agrandissement des ouvertures de la cathédrale, effectués vers 1220. « Une question essentielle se pose. Qu’est-ce qui couvrait Notre-Dame entre 1180 et 1225 ? La voûte sexpartite actuelle, typique du 12e siècle pour certains historiens, est-elle un projet réalisé tardivement au 13e siècle ou est-elle une deuxième voûte ? » Réponse quand les chercheurs auront accès, grâce aux échafaudages, aux traces des claveaux et des arcs encore en place sur le monument.
1. Maître de conférences en histoire de l’art médiéval, spécialiste des voûtes d’ogives.
2. Ingénieur de recherche, spécialiste du chantier médiéval à l'Université de Lorraine.
3. Un claveau est à l’arc de voûte l’équivalent d’une vertèbre pour une colonne vertébrale.
4. Les photos révèlent que 34 claveaux seraient encore en place sur les restes de la voûte.
Arnaud Ybert
arnaud.ybert@univ-brest.fr
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