Une transition écologique nécessairement systémique aussi en ville

Carte blanche

N° 423 - Publié le 30 octobre 2024
Champ de fleurs
© CHRISTOPHE - ADOBE STOCK
Portrait de Philippe Clergeau
Carte blanche
Philippe Clergeau
Professeur émérite du Muséum national d’histoire naturelle, à Paris.

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Les projets urbanistiques, architecturaux ou paysagers ne peuvent plus rester sur leur base de conception traditionnelle. Face aux crises de la biodiversité et du climat, il s’agit maintenant de prendre en compte le non-bâti dans toute sa diversité et à toutes les échelles pour en faire un élément structurant de la morphologie urbaine et du mieux vivre en ville. Bien que les espaces à caractère naturel et les bâtiments végétalisés soient de plus en plus au cœur d’une ingénierie écologique locale, leur intégration dans un maillage à l’échelle du quartier ou de la ville devrait être tout aussi fondamentale.

Un système qui « s’auto-entretient »


Cela incite à imaginer de nouvelles formes d’espaces verts, de densification douce et d’usage du viaire, débouchant sur de nouvelles pratiques. En plus de l’éternel espace vert entouré de grilles, on pourrait privilégier une nature plus diffuse en ville, à travers des promenades plantées, des micro-initiatives de verdissement, etc. Les corridors verts permettent ce rapprochement du citadin avec la nature sans obérer une démarche de densification en réflexion qui prend aujourd'hui un poids important avec la sobriété foncière. On peut concevoir la ville de demain sur cette organisation d’objectifs et d’usages en partant de la topographie, des contraintes de réseaux et de flux, et des couloirs de biodiversité pour agencer les localisations et les hauteurs des bâtiments à construire, les structures de mobilité, etc. Le rôle de tous les acteurs est alors attendu et particulièrement celui des citadins. L’objectif est de faire de la ville un vaste système social et écologique qui « s’auto-entretient ». Chaque projet urbain peut devenir une opportunité d’action pour améliorer les fonctions écologiques de la ville et apporter des impacts positifs partagés entre la société humaine et le vivant non-humain.

Une démarche durable


Le constat que l’on peut faire aujourd’hui est que des aménagements sont entrepris à l’échelle locale mais pas encore à l’échelle globale. Une première étape, localement, consiste à planter beaucoup de végétation pour répondre aux besoins du citadin. Les services fournis par cette nature1 sont conséquents et apparaissent indispensables à une ville vivable. C’est un objectif clairement affiché par une majorité de municipalités. Une deuxième étape implique plus les fonctionnements écologiques et l’échelle globale. Elle fait intervenir non plus des végétaux, mais une biodiversité, dans le sens donné par les écologues : un ensemble d’espèces qui ont des relations entre elles et avec leur habitat. Il s’agit alors de favoriser les espèces locales et spontanées. L’intérêt est que les services soient fournis non par quelques espèces connues et disponibles chez les pépiniéristes, mais par un foisonnement d’espèces végétales qui ont co-évolué et dont l’ensemble offre une forme de « stabilité » par rapport aux habituelles monocultures2. L’idée est de reconstituer des écosystèmes les plus proches possible de ce qui existe dans la nature et d’y impliquer les processus de dispersion grâce aux corridors écologiques. Cette démarche tend à produire une ville non seulement vivable mais aussi durable. L’approche systémique implique donc à la fois une lecture transversale du fonctionnement du site à travers ses composantes sociales, environnementales et économiques mais aussi une prise en compte des différents niveaux spatiaux de ces fonctionnements, depuis la parcelle et le bâti jusqu’à la ville et son périurbain.

1. Rafraîchir la ville, santé du citadin, gestion de l’eau, etc.
2. Alignements de platanes, toits de sédums…

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