Quelles solutions face à l’acidification des océans ?

Carte blanche

N° 420 - Publié le 3 juin 2024
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Portrait de Sophie Martin
Carte blanche
Sophie Martin
Chercheuse CNRS en écologie marine au sein du laboratoire Adaptation et diversité en milieu marin de la Station biologique de Roscoff.

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En 2023, un record vieux de 14 millions d’années était battu ! Il faut en effet remonter aussi loin dans l’histoire de notre planète pour observer dans l’atmosphère un taux de dioxyde de carbone (CO2) équivalent au niveau actuel, taux qui ne cesse d’augmenter depuis que l'humanité brûle massivement les énergies fossiles.

Heureusement, l’océan absorbe et stocke une partie de ce CO2, jouant ainsi un rôle déterminant dans la régulation du climat et nous évitant un réchauffement planétaire de plus grande ampleur. Pourtant, cette absorption du CO2 dans l’océan n’est pas sans conséquence. Ce « gaz acide » provoque des changements majeurs dans la chimie de l’eau de mer, conduisant à une diminution du pH et une moindre disponibilité en carbonates, phénomène désigné sous le terme d’acidification des océans.

Une réelle menace


L'acidité de l'eau de mer a déjà augmenté de 30 % (- 0,1 unité pH) depuis le début de l'ère industrielle. Dans les zones côtières bretonnes, les mesures effectuées au large de Roscoff ou dans la rade de Brest montrent une diminution de 0,03 unité pH sur dix ans, cohérentes avec les projections futures d’un doublement de l’acidité d’ici à la fin du siècle (- 0,3 unité pH).

Les recherches sur l’acidification des océans et ses conséquences sur les organismes marins se sont développées de façon exponentielle depuis une vingtaine d’années. Ce phénomène représente une réelle menace pour les organismes à coquille ou squelette calcaire comme les coquillages, coraux, crustacés ou phytoplancton calcaire. Si certaines algues ou plantes marines sont susceptibles de bénéficier de quantités plus élevées de CO2, élément essentiel à leur photosynthèse, la communauté scientifique s’accorde à dire que l’acidification des océans aura, dans les décennies à venir, des conséquences significatives sur l’équilibre des écosystèmes marins et sur les services qu’ils fournissent aux sociétés humaines. Il y a donc urgence à trouver des solutions pour lutter contre ce phénomène et limiter son impact.

Des solutions à l’échelle locale


Si l’acidification des océans est un problème global, des solutions sont à l’étude pour y remédier localement. Par exemple, l’alcalinisation, par ajout de minéraux alcalins dans l’eau de mer, permettrait d’inverser le processus d’acidification. Basée sur la nature, la bio-remédiation par les végétaux marins constitue une autre solution émergente pour limiter les effets de l’acidification. Les plantes marines et les macroalgues, du fait de leur capacité à fixer le CO2 (photosynthèse), peuvent en effet augmenter le pH et le taux de saturation en carbonate de calcium de l’eau de mer. Certains habitats marins, tels que les herbiers ou les champs de macroalgues pourraient ainsi fournir de véritables refuges en protégeant les espèces sensibles des conditions défavorables liées à l’acidification des eaux.

C’est dans ce contexte que le projet Ormalg1 porté par la Station biologique de Roscoff, en partenariat avec d’autres laboratoires bretons, a émergé dans le but de faire progresser notre compréhension du rôle des macroalgues dans l’atténuation des effets de l’acidification des océans chez les organismes calcifiants.
Même si certaines solutions d’atténuation pourront avoir des effets à l’échelle locale, cela ne remplace en rien l’urgente nécessité d’une réduction à la source des émissions de CO2. Elle demandera de la part de tous des efforts certains.

1. Projet financé par le programme EC2CO et coordonné par Sophie Martin, en collaboration avec le Lemar à Brest, la Station marine de Concarneau et la ferme aquacole France Haliotis à Plouguerneau.

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