Les microalgues contre le lisier

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N° 363 - Publié le 8 juin 2018
Julie Lallouët-Geffroy
À l'UEM à Brest, dans le laboratoire de Luc Chauchat et Fabienne Le Grand, les microalgues sont cultivées sous une lumière rouge.

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Deux projets de recherche, à Brest et à Rennes, utilisent les microalgues pour nettoyer les rejets agricoles.

La Bretagne étant une terre d’élevage, les déjections animales chargées en azote et phosphore sont très importantes. Ces deux substances sont épandues sur les champs pour les fertiliser. Le hic, c’est que nous produisons trop d’azote par rapport aux terres disponibles (lire Cycle de l’azote : la recherche de l’équilibre). Que faire des déjections ? Une solution se trouve du côté de la méthanisation. Les déchets des exploitations agricoles produisent du biogaz. Mais il reste un résidu liquide, appelé le digestat, toujours très chargé en azote et phosphore. Qu’en faire ? La solution est sans doute à chercher du côté des microalgues. À Brest et à Rennes, deux projets de recherche viennent d’être lancés pour traiter ce problème.
Luc Chauchat et Fabienne Le Grand sont chercheurs à l’Institut universitaire européen de la mer à Plouzané, près de Brest.

 

Cultiver des microalgues

Ils participent au projet européen Alg-ad(1), démarré début mai. L’objectif est de cultiver des microalgues par mixotrophie, c’est-à-dire avec de l’oxygène, un peu de lumière, de la matière organique et des nutriments, en l’occurrence de l’azote et du phosphore. Tous les ingrédients sont placés dans une marmite, appelée le photobioréacteur. À l’intérieur, on y trouve une mixture noirâtre composée de digestat, de mélasse et d’eau. Le tout est éclairé par une lumière rouge criarde. De ce cylindre sort un liquide vert assez foncé : des microalgues ! « Pour le moment, nous commençons à tester ce dispositif pour être sûr qu’il fonctionne bien, explique Luc Chauchat. À terme, nous voulons aller vers l’hétérotrophie, c’est-à-dire la même chose, sans la lumière. »

À l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) à Rennes, autre méthode, autre décor. La recette s’appelle ici l’autotrophie. Elle utilise la lumière, l’oxygène, l’azote et le phosphore. Ici, tout se joue en extérieur dans un bassin d’une profondeur d’à peine 30 cm. Il sera construit si l’Ademe valide le projet, qui vient d’être déposé. « Nous allons jouer sur la luminosité, pour que les microalgues absorbent l’azote et le phosphore et puissent se multiplier », explique Fabrice Béline, chercheur à l’Irstea. L’objectif est la production d’un bioengrais à partir d’azote, qui a l’inconvénient d’être volatil. Ici, il sera stocké dans les microalgues et donc facilement transportable, en particulier vers des zones agricoles pauvres en azote.

Ces deux méthodes répondent à un enjeu commun : faire en sorte que les micro-algues gagnent la bataille contre les bactéries. En effet, la matière première de ces expérimentations est le digestat, un nid à bactéries. D’autant plus que cette mixture est noirâtre : pas idéal pour que les microalgues accèdent à la lumière, nécessaire à leur existence. Tout l’enjeu est de parvenir à nourrir suffisamment les microalgues, pour qu’elles prennent le dessus sur les bactéries. Le projet de Plouzané mise sur l’apport nutritionnel, celui de Rennes parie sur l’apport lumineux.

Économie circulaire

Mais ces projets ne s’arrêtent pas là. Ils intègrent aussi les contraintes économiques de l’industrie agroalimentaire. Le projet de Plouzané cherche à créer de nouvelles matières premières, pour l’alimentation animale, à partir de microalgues. « Nous nous sommes basés sur le prix du

soja importé, soit 350 euros la tonne. Nous ne souhaitons pas dépasser ce coût pour notre futur aliment », explique Luc Chauchat. Même logique à Rennes. « En brûlant du biogaz, du CO2 se dégage, que nous voulons réinjecter dans le bassin, détaille Fabrice Béline. Cela donnera un rendement faible mais peu onéreux. » Le principe de l’économie circulaire en somme : faire en sorte que les déchets des uns, transformés, alimentent les autres.

Julie Lallouët-Geffroy

(1) Projet coordonné par Denis de La Broise (Université de Bretagne Occidentale) et Philippe Soudant (CNRS).

Luc Chauchat
luc.chauchat@univ-brest.fr

Fabienne Le Grandµ
fabienne.Legrand@univ-brest.fr

Fabrice Béline
tél. 02 23 48 21 21
fabrice.beline@irstea.fr

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