Il a trouvé le bon contact
Entrepreneur avéré, François Huber mise sur une technologie issue de la chimie rennaise, liée au stockage de l’énergie.
Voici maintenant trois ans que François Huber est le dirigeant, comblé, de Kemwatt, une start-up spécialisée dans les batteries dites à électrolytes circulants, installée dans la halle technologique de l’École nationale supérieure de chimie de Rennes (Enscr).
Comme toutes les batteries, celles-ci fonctionnent sur le principe de l’oxydoréduction, circulation d’électrons entre deux électrodes grâce à des produits (électrolytes), ici liquides, peu chers et biodégradables. L’innovation, directement issue d’un laboratoire de l’Institut des sciences chimiques de Rennes(1), vient du fait que les chimistes ont réussi à augmenter la surface de contact entre les électrodes et les électrolytes, ce qui influe directement sur la puissance de la batterie(2). En trois ans, grâce aux ingénieurs de Kemwatt, la technologie a encore évolué et a été adaptée à l’échelle industrielle.
« C’est une première mondiale(3), se réjouit François Huber, aucun de nos concurrents n’en est encore à ce stade, mais cela ne nous empêche pas de continuer à travailler à petite échelle pour optimiser encore le fonctionnement », précise-t-il.
De l’étagère au conteneur
Ainsi, dans les locaux de Kemwatt, on peut voir aussi bien des piles de quelques centimètres posées sur des étagères, que des installations de plusieurs mètres. Dans la cour, il y a même une version encore plus grosse, qui tient dans un conteneur, prête à partir chez un client, un industriel européen, d’ici à la fin de l’année. « Ce prototype est en test depuis l’été. Le conteneur contient la batterie et les réservoirs d’électrolytes, ce qui nous permet de proposer un système “plug and play”, prêt à être branché. » La taille des réservoirs d’électrolytes, qui conditionne la capacité de la batterie, peut varier. Les plus grosses citernes peuvent être posées, voire enterrées à côté. Cela dépend de l’application visée : alimentation d’une collectivité isolée, couplage avec des réseaux électriques intelligents (smart grids) qui ajustent le flux en temps réel en fonction des besoins, ou avec des systèmes de production d’énergie renouvelable, intermittents...
Besoin d’une entremetteuse
C’est la Société d’accélération du transfert de technologies (Satt) Ouest Valorisation qui avait repéré le potentiel de ce qui était au départ une petite pile, et qui a aidé les deux chimistes, Florence Geneste et Didier Floner à la développer pour l’orienter vers le domaine industriel et la commercialisation. Mais les deux chercheurs ne se sentaient pas l’âme d’entrepreneurs. La Satt a alors joué le rôle d’entremetteuse en se rapprochant de François Huber, ingénieur en génie des procédés, ayant plus de vingt ans d’expérience en industrie dans le domaine de l’énergie, et créateur de sa propre entreprise de consultant. « Au départ, je venais juste voir comment je pourrais aider. Mais il y avait pas mal de points qui collaient bien. Par exemple, je n’avais pas que l’expérience technique, mais aussi celle côté marché. Et puis... ce n’est pas tous les jours que l’on vous propose de prendre la tête de ce genre d’entreprise ! Avec de belles perspectives et déjà portée par des fonds d’investissements. »
Objectif : vendre des machines !
Cofondateurs de l’entreprise, les deux chercheurs sont toujours à l’Institut de chimie mais continuent de s’investir dans Kemwatt qui compte aujourd’hui douze salariés, principalement des ingénieurs en électrochimie, systèmes électriques, procédés... « Nos objectifs à court terme sont, premièrement de terminer le développement technologique permettant de garantir un produit certifié et à un prix compétitif, deuxièmement de vendre des machines ! » Pour ce qui est de l’industrialisation, Kemwatt réalisera l’assemblage, les tests et le paramétrage des différentes composantes de ses batteries issues de quatre grands métiers : la chimie des électrolytes, la pile, les systèmes électriques et les procédés (tuyaux, pompes, réservoirs). L’entreprise poursuit donc son développement et prévoit de sortir bientôt du cocon de l’Enscr pour de plus grands locaux afin de pouvoir doubler ou tripler son équipement et ses capacités de stockage. Une grosse aventure industrielle commence à Rennes.
(1) Cnrs/Université de Rennes 1/Insa Rennes/Enscr.
(2) Lire Sciences Ouest n° 326-décembre 2014.
(3) Lire Sciences Ouest n° 350-mars 2017.
François Huber
fhr@kemwatt.com
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