Oméga-3 : gare à l’overdose
Administrés en surdose chez des porcs, les acides gras oméga-3 n’ont pas l’effet positif qui les rend si populaires.
Les oméga-3, c’est donc montré, sont bons pour la santé. Ils protègent du diabète, sont bons pour le cœur... L’Anses(1) recommande d’augmenter leur proportion dans notre alimentation, afin d’équilibrer la balance oméga-6/oméga-3 notamment. Mais tout n’est pas si rose. Car à très haute dose, il semblerait que les rôles s’inversent ! Dans le cadre du projet Metab n-3 (lire p. 14-15) financé par la Région Bretagne, une équipe du centre Inra de Saint-Gilles(2), près de Rennes, s’est demandé si les effets délétères d’une prise de poids pouvaient être différents en fonction des acides gras ingérés. Elle a choisi le cochon, son modèle de prédilection, pour mener ses expériences.
Trois régimes déséquilibrés
Pendant plusieurs semaines, l’équipe a nourri trois groupes de huit miniporcs - une race développée spécifiquement pour la recherche(3) - avec des régimes différents. « Les trois régimes étaient isocaloriques, explique David Val-Laillet, chargé de recherche à l’Inra. Ils apportaient la même dose de lipides, une dose beaucoup trop élevée, correspondant à 150 % des besoins énergétiques normaux ! Mais le premier groupe recevait cette dose sous forme d’huile de poissons, riche en oméga-3, le second sous forme d’huile de tournesol, riche en oméga-6 et le troisième sous forme d’acides gras saturés : du saindoux ! » Une fois l’obésité installée (les animaux présentaient un surpoids de 20 à 25 kg, soit la moitié de leur poids moyen normal), les chercheurs ont mesuré plusieurs paramètres : la perméabilité de la barrière intestinale, qui protège des inflammations, la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique, qui sépare la circulation sanguine du cerveau et, enfin, l’activité cérébrale. « Nos précédents travaux avaient déjà montré un lien entre l’obésité et une baisse de l’activité du cortex préfrontal(4) et du circuit de la récompense, qui influencent significativement les comportements alimentaires. »
Dans le cerveau des cochons
Pour évaluer ces différents paramètres, les scientifiques ont utilisé la plate-forme d’imagerie dédiée(5), située à quelques centaines de mètres de l’élevage. « Nous anesthésions les porcs et leur injectons une molécule marquée : du glucose, le carburant des neurones, détaille David Val-Laillet. L’imagerie par tomographie d’émission positronique détecte ce radioélément, et permet de suivre les zones du cerveau qui en consomment le plus, donc qui sont les plus actives. » Scanners et prélèvements biologiques post mortem ont complété les analyses.
Les effets s’inversent
Les résultats ont étonné les chercheurs. « Il y a bien des différences entre les régimes. Les effets néfastes de l’obésité ne sont donc pas dus uniquement à la prise de poids. Mais notre hypothèse de départ était que le régime au saindoux montrerait les effets les plus délétères, et que celui aux oméga-3 serait le moins mauvais. Et c’est presque l’inverse ! » Si le saindoux n’obtient pas le meilleur résultat, les oméga-3 décrochent les pires ! Les miniporcs du groupe oméga-3 présentent en effet la plus forte perméabilité au niveau de l’intestin et de la barrière hémato-encéphalique, ainsi que la plus forte baisse d’activité du circuit de la récompense. « Les acides gras composent en partie les parois des cellules. Par ailleurs, les oméga-3 sont connus pour leurs propriétés fluidifiantes, notamment dans le sang. Mais ils peuvent aussi fluidifier les membranes cellulaires ! Nos résultats montrent que lorsqu’il y a trop d’oméga-3 dans ces membranes, les barrières de l’intestin et du cerveau deviennent poreuses. C’est la dose qui fait le poison ! » Ces expériences ont été menées avec des doses extrêmes. « L’étape suivante consiste à refaire les expériences avec des doses proches de celles recommandées par l’Anses. Pour voir si les effets anti-inflammatoires positifs des oméga-3 prennent le dessus. » Bien manger est un véritable jeu d’équilibre !
(1)Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
(2)Unité Alimentation et adaptations digestives, nerveuses et comportementales (ADNC) ; membre de la Structure fédérative de recherche sur l’étude des oméga-3 d’origine marine sur les pathologies liées à l’obésité, dirigée par Jacques Delarue.
(3)Lire Sciences Ouest n° 271 - décembre 2009.
(4)Lire Sciences Ouest n° 284 - février 2011.
(5)Plate-forme Prism Ani-Scans, pilotée par Charles-Henri Malbert, responsable de l’étude Metab n-3 à l’Inra.
David Val-Laillet
Tél. 02 23 48 50 72
david.val-laillet [at] rennes.inra.fr (david[dot]val-laillet[at]rennes[dot]inra[dot]fr)
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