Les super-réseaux à la rescousse

N° 302 - Publié le 5 octobre 2012
© LIZHONG/XINHUA

Magazine

4320 résultat(s) trouvé(s)

Téléphonie mobile, Internet : les réseaux de télécommunications dépassent leurs limites pour répondre à nos usages.

En 2007, l’arrivée de l’iPhone bousculait les usages et boostait l’arrivée de la 3G : un nouveau système de transmission permettant d’envoyer et recevoir non seulement des appels et des SMS, mais aussi des données et des images. Internet arrivait sur les téléphones.

La nouvelle génération

Aujourd’hui, la 3G est en passe d’être dépassée, et l’arrivée en France de la 4G, la quatrième génération des communications par téléphones mobiles, n’est plus qu’une question de temps. À Brest, la plate-forme ImaginLab (lire p.12) teste le LTE(1), une “presque”» 4G, déjà en service en Suède, aux États-Unis ou au Canada. « Il remplit presque tous les critères de la 4G définis par l’Union internationale des télécommunications, explique Xavier Lagrange. » Et si plusieurs technologies répondaient aux critères de la 3G et coexistaient, le LTE s’annonce comme la principale norme internationale pour la 4G.

Il transporte toutes les données

Le LTE, c’est un nouveau réseau. « Au départ, ce devait être une évolution des technologies 3G que l’on utilise aujourd’hui. Mais finalement, c’est un nouveau système ! » Son originalité : transporter par voie radio toutes les données, que ce soit la voix, les images, les pages Web... avec la même technique : l’OFDM(2), déjà utilisée pour la télévision numérique terrestre, le courant porteur en ligne et l’ADSL. Alors que la 3G traite la voix et les données différemment : elles sont aiguillées chacune sur leur propre réseau par les équipements des stations de base, qui abritent les antennes. « Avec la 3G, toutes les communications sur téléphones portables sont transmises sur les mêmes fréquences. Elles sont codées un peu différemment pour ne pas qu’elles se mélangent. Mais lorsqu’on doit transmettre très rapidement beaucoup de données, ça n’est pas très efficace. En OFDM, les communications se font en parallèle. On affecte à chaque connexion plusieurs bouts de fréquences, qui lui sont propres. Cela consomme plus de fréquences, mais grâce à des “astuces” mathématiques, on parvient à ce que cela ne prenne pas trop de place ! » Avec le LTE, on quitte le monde de la téléphonie mobile pour entrer dans celui de l’Internet mobile, où la voix n’est qu’un des services que peut offrir le réseau.

Faire face à la saturation

L’Internet fixe devrait lui aussi évoluer grâce à la fibre optique (lire p.12-13). « C’est le support incontournable pour transporter de très grandes quantités d’informations, rappelle Philippe Gravey, spécialiste de l’optique à Télécom Bretagne, à Brest. Mais on va arriver à une saturation dans les fibres déjà en place. Et cela coûte cher d’en poser de nouvelles. Surtout en France, où on ne les envisage qu’enterrées. Donc on cherche des moyens de faire passer plus d’informations par la même fibre. »

Depuis fin 2010, le projet 100Gflex(3) vise à atteindre une transmission dans le cœur du réseau à 100 Gigabits par seconde pour chaque longueur d’onde - chaque couleur - qui compose la lumière. « Dans une fibre, on peut faire passer quelques dizaines de longueurs d’onde en parallèle. Nous cherchons à diviser chaque longueur d’onde en sous-bandes de fréquence. Ensuite, il suffit de rassembler les sous-bandes pour reconstituer un signal que l’on peut envoyer dans la fibre. Le problème, c’est de les séparer à l’arrivée. » Car séparer les couleurs, c’est faisable. Mais séparer des sous-domaines de couleur, c’est plus compliqué ! Cela demande des filtres optiques très sélectifs, sur lesquels travaille l’entreprise bretonne Yenista Optics. « Avec ce principe on gagnerait en flexibilité, poursuit Philippe Gravey, on pourrait faire plus ou moins de sous-bandes suivant la demande. On éviterait également l’utilisation de l’électronique - notamment le multiplexage et le démultiplexage - pour rassembler le signal. » Et moins d’électronique, c’est une consommation d’énergie en baisse. Un challenge important pour les années à venir (lire p.17).

Faire converger les réseaux

Côté utilisateurs, les ingénieurs de l’opérateur Orange se penchent aussi sur l’efficacité de la fibre optique. « Pour l’instant, le réseau fibre que nous déployons permet d’offrir une connexion à 100 Mb/s à l’abonné, précise Stéphane Gosselin, responsable de projets de recherche en réseaux optiques à Orange Labs à Lannion. Mais pour les futures générations, nous visons 1 Gb/s. Dans le projet Faon(4), nous étudions l’utilisation de la technique OFDM dans la fibre optique, qui pourrait remplacer l’actuelle modulation “rudimentaire” allumé/éteint. Cela permettrait de transmettre plus de bits par seconde sur une même bande de fréquence. » L’augmentation des débits laisserait aussi envisager une convergence fixe/mobile, pour mutualiser les coûts, les équipements, la consommation d’énergie... C’est d’ailleurs l’objet d’un autre projet, qui démarrera en janvier prochain.

Éviter les pirates

Éternel eldorado du monde des télécommunications, l’augmentation des débits pourrait néanmoins se voir dépasser par d’autres enjeux. Comme celui de la multiplication des objets communicants. « Dans les années à venir, les maisons vont se remplir d’objets “intelligents” dotés de capteurs qui devront envoyer des messages », reprend Xavier Lagrange. Le réfrigérateur qui commande automatiquement les produits manquants, par exemple. « Mais surtout dans la domotique ou le secteur médical. Ces objets n’ont pas besoin de beaucoup de débit, mais d’une connexion très fiable. » Minimiser les temps de latence, par exemple, entre le moment où l’objet envoie son ordre et celui où il est réellement reçu, « un problème que rencontre la 3G, mais que résout le LTE. » Et éviter que quelqu’un ne pirate la communication pour ouvrir vos volets à votre insu, ou pire, pour commander la pompe à insuline automatisée de votre voisin diabétique ! Économie et sécurité, voilà ce qui pourrait devenir les maîtres mots des télécommunications de demain.

Anticiper les besoins de demain

Comment la recherche peut-elle répondre aux attentes des industriels ? En les faisant participer à la réflexion sur les thématiques à explorer ! Tel est l’objectif du Pracom, le Pôle de recherche avancée en communication porté depuis six ans par Télécom Bretagne. « Nous organisons des groupes de travail avec les entreprises adhérentes, explique Patrick Adde, responsable développement du Pracom à Télécom Bretagne. Chaque année, ces réflexions aboutissent au financement de thèses et à la mise en place de projets concrets, grâce au financement des adhérents, au nombre de onze en 2012. »

La démarche séduit les grands groupes comme des PME. « Nos premiers adhérents ont été la Scarmor, la centrale d’achats de Leclerc, et Orange. » Actuellement l’accent est porté sur l’efficacité énergétique, avec le lancement en 2011 du projet Greencom. Mais aussi sur les énergies marines renouvelables, la technologie RFID, les réseaux de capteurs sans fil et la localisation. Des sujets dont on devrait entendre parler à l’avenir !

Patrick Adde Tél. 02 29 00 13 10
patrick.adde@telecom-bretagne.eu
www.pracom.org
CÉLINE DUGUEY

(1)LTE : Long Term Evolution.
(2)OFDM : Orthogonal Frequency-Division Multiplexing.
(3)Ce projet associe Orange Labs, Mitsubishi Europe Research Centre, Yenista Optics, Enssat, Télécom Bretagne et Télécom Paris Tech.
(4)Projet ANR.

Xavier Lagrange Tél. 02 99 12 70 36
xavier.lagrange [at] telecom-bretagne.eu (xavier[dot]lagrange[at]telecom-bretagne[dot]eu)

Philippe Gravey Tél. 02 29 00 15 81
philippe.gravey [at] telecom-bretagne.eu (philippe[dot]gravey[at]telecom-bretagne[dot]eu)

Stéphane Gosselin
stephane.gosselin [at] orange.com (stephane[dot]gosselin[at]orange[dot]com)

TOUT LE DOSSIER

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest