Au service de l’information
Souvent considérée comme nocive ou polluante, la chimie sait aussi nous faire du bien et transmettre des informations.
« Tout est chimie », Justus Liebig, grand savant allemand, le disait déjà au début du 19e siècle. Et aujourd’hui, plus que jamais, la chimie crée des molécules et des matériaux qui transforment notre quotidien. Aucun domaine ne lui échappe, ce que nous percevons et acceptons plus ou moins bien.
L’information est peut-être celui où on la perçoit le moins. Pourtant, si les outils de l’imagerie médicale s’améliorent, si nos écrans deviennent plus plats, si nous pouvons voir plus loin dans l’espace ou dans le noir, c’est grâce à la chimie !
« Nous essayons de rendre accessible ce qui ne l’est pas, que ce soit à l’intérieur du corps humain ou dans des galaxies lointaines », expliquent Bruno Bureau et Catherine Boussard, chercheurs de l’équipe Verres et céramiques dans l’UMR-CNRS Sciences chimiques de Rennes(1). Un cadre de travail bien vaste pour des recherches pourtant très pointues : créer des verres spéciaux pour la transmission et la détection de signaux infrarouges.
Des créateurs de verres
« Nous sommes des créateurs de verres », affirment ces chimistes. Des verres opaques à la lumière mais transparents pour les ondes infrarouges (tout le contraire du verre à vitres, appelé verre non conventionnel pour cette raison) pour construire des fibres optiques ou des guides planaires (des plaques de verre parcourues de canaux).
Diagnostiquer des maladies
Depuis dix ans, cette équipe de chimistes travaille avec l’Inserm et le CHU de Rennes sur la mise au point d’outils de diagnostic pour des maladies du foie comme la cirrhose. « Nous cherchons à diagnostiquer la maladie à partir du sérum humain, par exemple, en analysant le spectre infrarouge du sérum de malades et d’individus sains, grâce à la spectroscopie par ondes évanescentes. » Cette technique est basée sur l’interaction des ondes avec le milieu : lorsqu’on plonge une fibre optique dans un liquide biologique et qu’on envoie de la lumière infrarouge à l’intérieur de cette fibre, les ondes lumineuses s’y propagent en zigzag. Chaque fois que l’onde “ricoche” à l’interface entre le verre et le milieu étudié, une partie de l’énergie lumineuse est absorbée par l’échantillon biologique ou médical. « À la sortie de la fibre, on obtient un spectre infrarouge caractéristique de l’échantillon. »
Le sérum de 400 patients
Les spectres infrarouges du sérum de 400 patients ont été réalisés et les données analysées de façon statistique. Ce travail a mis en évidence l’existence de différences significatives entre les spectres des patients sains et ceux atteints de cirrhose. La spectroscopie par ondes évanescentes révèle bien les différents états pathologiques des malades. « Nous avons été lauréats du concours Oséo(2) en catégorie Émergence 2010 grâce à ces travaux. » L’équipe s’attaque maintenant à la détection des polypes du colon, et à l’analyse des liquides articulaires pour détecter les inflammations avant qu’elles n’altèrent profondément les articulations. Une entreprise, baptisée DiaFir (lire p.14), doit aussi voir le jour en 2011 pour développer ces fibres optiques, principalement à usage médical. « Et si nous créons d’autres verres encore plus performants pour la transmission infrarouge, d’autres applications pourront être envisagées car toutes les (bio)molécules absorbent les radiations infrarouges. Il suffit de savoir capter ce signal et le transmettre. »
2011 : la chimie s’expose
La chimie est partout, même là où on ne l’attend pas. On ne peut plus s’en passer. Elle se développe de plus en plus à l’interface d’autres disciplines... À l’occasion de l’Année internationale de la chimie (AIC), différentes manifestations seront organisées en 2011 pour sensibiliser le grand public à ces enjeux.
En Bretagne 18 actions scientifiques, artistiques et ludiques sont déjà programmées. Expositions, conférences, ateliers, tables rondes (Chimie et vie du futur : entre science et fiction, le 19 mars à l’École de chimie de Rennes)..., la plupart sont dirigés vers le grand public (spectacle Oxygène, le 16 mars à Rennes ; portes ouvertes du laboratoire Sciences chimiques de Rennes les 15 et 16 avril), les scolaires (jeu-concours la saga de la chimie moderne).
Ils mobilisent des entreprises, des chercheurs et aussi des étudiants – comme ceux qui font le bilan de leur première expérience dans le monde industriel (journée de la chimie, le 21 avril à Brest) –.
L’ensemble des projets “labellisés AIC” sont répertoriés sur un site Internet dédié.
(1) Le personnel de l’UMR6226 est réparti sur trois sites d’enseignement supérieur rennais : l’Université de Rennes1, l’école de chimie (ENSCR) et l’Insa.
(2) Concours organisé tous les ans par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche avec Oséo.
Bruno Bureau
Tél. 02 23 23 65 73
bruno-bureau [at] univ-rennes1.fr (bruno-bureau[at]univ-rennes1[dot]fr)
Catherine Boussard
Tél. 02 23 23 67 34
Catherine.boussard [at] univ-rennes1.fr (Catherine[dot]boussard[at]univ-rennes1[dot]fr)
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