Vivre le deuil, du collectif à l’intime

La mort, une affaire de vivants

N° 421 - Publié le 29 août 2024
© PAVEL DANILYUK / PEXELS

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Des normes sociales régissent nos actions pendant cette période cruciale qui, malgré tout, se vit différemment selon chaque individu.

Au Japon, des lanternes sont allumées aux fenêtres des maisons pour guider l’âme du disparu tandis qu’au Mexique, lors du Dia de Muertos1, les habitants défilent maquillés au cimetière pour fêter leurs défunts et célébrer la vie. L’expression « porter le deuil » revêt diverses significations selon les régions du monde.

Des normes sociales 


Si le deuil caractérise une période de douleur et de chagrin à la suite de la disparition d’un proche, c’est aussi un processus de détachement et d’acceptation qui se vit de différentes manières. Chaque deuil est unique.

Le comportement qu'il implique est empreint de traditions et de normes qui ont évolué dans le temps. « Des actions, des pratiques et des croyances entourent la mort. Ces rituels bien établis, sous la forme de cortèges funèbres et de condoléances, étaient un moment fort de la vie collective dès le Moyen Âge, dans les villages », raconte Karine Roudaut, chercheuse associée au Labers2, à l’UBO3 à Brest et auteure de Ceux qui restent, une sociologie du deuil4

Le vêtement en est l’un des signes les plus visibles. Blanc au Japon et en Inde, il accompagne le défunt vers la lumière du repos éternel ; bleu en Iran, il est porté pour aller vers la paix. Et en Occident ? Deuil et mode sont aussi très liés… En 1495, Anne de Bretagne, alors reine de France, porte le deuil de son premier enfant et décide de changer les traditions : les reines vêtues de blanc et les rois de violet devront désormais s’habiller de noir, usage qui existait déjà en Bretagne. Après la Révolution, le noir devient la couleur quasi-exclusive du deuil, elle symbolise la tristesse.

Un vécu personnel


Pour caractériser les différentes phases que l’individu peut traverser après la perte d’un être cher, la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross a développé un modèle en 1969. On parle des « étapes du deuil », à savoir : le déni, la personne est sous le choc et refuse la réalité ; la colère, le ressentiment est fort envers la vie ou le disparu ; le marchandage avec l’espoir d’un retour en arrière si on adopte une bonne conduite ; la dépression, et enfin l’acceptation. Mais il est tout à fait possible de faire son deuil sans passer par toutes ces étapes, elles ne sont pas systématiques.

« La perte d’un proche désorganise nos interactions sociales, souligne Karine Roudaut. Il existe plusieurs manières de signifier le deuil, par exemple en organisant un repas funéraire, en concevant un album de photos souvenirs, en se rendant au cimetière ou même sur un lieu de mémoire comme la maison familiale. » Cette dimension sociale est particulièrement forte dans les actions, y compris après les moments collectifs du rituel funéraire. Car le deuil ne se limite pas au rituel, il se prolonge bien au-delà, dans le retour à la vie quotidienne.

Fabio Perruchet

1. « Jour des morts », fête rendant hommage aux défunts en Amérique latine.
2. Laboratoire d’étude de recherches en sociologie.
3. Université de Bretagne Occidentale.
4. Aux éditions Presses universitaires de Rennes (2012).

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