… À la production de l’ignorance

Décembre 1953, Plaza Hotel de New York. Les grands patrons de l’industrie du tabac élaborent une stratégie redoutable pour contrer les études qui montrent le potentiel cancérigène de la cigarette. Mais l’attaque n’est pas frontale, il s’agit plutôt de semer le doute dans l’opinion publique, lui faisant croire à l’existence d’une incertitude scientifique. En bons samaritains, les industriels financent largement de nouvelles recherches afin de montrer que le risque de cancer du poumon serait lié à des prédispositions génétiques, au lieu de travail, au jus de tomate ou encore à la calvitie ! La voix et le halo de scientifiques réputés sont également mis à profit pour récuser une causalité directe entre tabac et cancer. « Certains de ces défenseurs du tabac sont des prix Nobel et donc reconnus dans les milieux scientifique, médiatique et politique, sauf qu’ils ne sont pas compétents sur le sujet. Mais on va les écouter et les croire », souligne Hervé Ferrière, historien des sciences à l’UBO¹, à Brest. Une stratégie de production de l’ignorance utilisée de nouveau… par les producteurs d’énergies comme Total dès les années 1980 pour réfuter le lien entre émissions humaines de CO2 et dérèglement climatique.