Sortir les collaboratrices du vide mémoriel

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N° 418 - Publié le 28 mars 2024
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À travers un colossal travail d’archives, Fabien Lostec a retracé le parcours des collaboratrices condamnées à mort à la Libération.

« Lorsqu’on parle de l’épuration, la première image qui vient est celle des femmes tondues, et dans l’imaginaire collectif elles ont été punies pour avoir eu des relations sentimentales ou sexuelles avec des Allemands. En réalité, cela ne concerne que 40 % d’entre elles, la grande majorité a dénoncé ou adhéré à des partis collaborationnistes », raconte Fabien Lostec.

Cet enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’Université Rennes 2 vient de publier un livre sur les femmes condamnées à mort après la Seconde Guerre mondiale1. « J’ai voulu prendre le contrepied de ce mythe des femmes comme collaboratrices sentimentales et comme seules tondues », poursuit l’historien, qui a visité plus de 60 dépôts d’archives et mis au jour des chiffres inédits. 

Entre 1944 et 1951, 651 femmes sont condamnées à mort. 247 font face aux juges2 et 46 sont exécutées, les autres sont graciées. « Jamais depuis la Révolution française autant de femmes n’ont été condamnées et mises à mort », contextualise Fabien Lostec. Mais au-delà de l’analyse statistique, le chercheur s’est attaché à reconstruire des parcours. Une manière de « faire entrer l’épuration de ces femmes dans l’Histoire » en les sortant du vide mémoriel où elles se trouvaient. Car les collaboratrices ont eu des responsabilités politiques ou policières. Elles ont parfois été violentes. D’ailleurs, à la Libération, c’est aussi cette transgression des normes de genre qui leur est reprochée.

Assimilées à des sorcières


Lors des procès, « celles qui tentent de se défendre mobilisent des arguments de genre pour se déresponsabiliser comme “je suis tombée amoureuse, je ne savais pas ce que je faisais” », illustre l’historien. L’accusation utilise elle aussi le genre, pour les diaboliser cette fois. Assimilées à des sorcières, les collaboratrices sont ainsi dépeintes comme des femmes débauchées, de mauvaises mères et épouses, en totale opposition à la figure de la résistante. « À la différence des hommes, l’influence de la vie privée est déterminante dans ces procès », résume Fabien Lostec.

Violette Vauloup

1. Condamnées à mort, l’épuration des femmes collaboratrices 1944-1951, CNRS Éditions (2024).
2. Les autres, ayant par exemple fuit à l’étranger, sont jugées par contumace.

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