Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique

Carte blanche

N° 417 - Publié le 22 février 2024
Portrait d'une femme travaillant sur les enjeux de la santé publique
© DR
Photo portrait de Catherine Vidal
Carte blanche
Catherine Vidal
Neurobiologiste, directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur. Elle est membre du Haut conseil à l'égalité et du Comité d'éthique de l'Inserm où elle co-dirige le groupe « Genre et recherches en santé ».

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En matière de santé, femmes et hommes ne sont pas logés à la même enseigne. Non seulement pour des causes biologiques, mais aussi pour des raisons sociales, culturelles et économiques. Les préjugés liés au genre influencent les pratiques médicales, la recherche, l’enseignement et le comportement des soignants comme des patients. Ils conduisent à des situations d’inégalité et de discrimination entre les sexes dans l’accès aux soins et la prise en charge médicale. Considérer le genre dans la santé constitue un enjeu de bioéthique majeur.

Stéréotypes sur les maladies


Un exemple typique est l'infarctus du myocarde qui est encore sous-diagnostiqué chez les femmes, car considéré à tort comme une maladie d'homme stressé par le travail. Les femmes, insuffisamment informées, en minimisent les symptômes et appellent plus tardivement les urgences. À l’hôpital, leur prise en charge est aussi plus tardive. À l’inverse, la dépression apparaît comme une pathologie féminine, les femmes étant deux fois plus touchées que les hommes. La raison principale n'est pas due aux hormones féminines comme il a été longtemps prétendu. La cause majeure est liée au contexte socio-économique (précarité, charge mentale, violences) qui expose davantage les femmes que les hommes aux risques de dépression. Les représentations stéréotypées des maladies concernent aussi les hommes. Ainsi, l'ostéoporose, n'est pas l'apanage des femmes ménopausées. Un tiers des fractures ostéoporotiques concerne les hommes. Or, pour eux le diagnostic et le traitement de l'ostéoporose sont quasi inexistants. Les stéréotypes entravent aussi le dépistage de l'autisme, de l'endométriose, du cancer du sein et la vaccination contre le cancer du col de l'utérus.

Dans la vie au travail, les facteurs de risques et de pénibilité sont sous-estimés chez les femmes. Les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux touchent plus gravement les femmes, en particulier les employées et les ouvrières. Les cancers d’origine professionnelle sont moins souvent reconnus chez les femmes que chez les hommes. Une étude récente de l'Inserm montre que le travail de nuit augmente de 26 % les risques de cancer du sein.

Autres menaces pour la santé des femmes : la précarité et le poids des charges domestiques et familiales. La pauvreté, qui touche majoritairement les femmes, se traduit par le renoncement aux soins et par une dégradation de l'hygiène de vie. Logement dégradé, mauvaise alimentation, sédentarité, pénibilité au travail… autant de facteurs qui favorisent l'obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, les troubles dépressifs, etc. Les femmes sont aussi les premières victimes de violences, ce qui se répercute sur leur santé mentale et physique (blessures traumatiques et gynécologiques, troubles psychiques et psychosomatiques, anxiété, conduites addictives, troubles du sommeil…). Les médecins, qui sont souvent leurs premiers interlocuteurs, ne bénéficient pas d’une formation au repérage des violences à la hauteur des besoins.

Stratégies de prévention


Questionner les inégalités de santé au prisme du genre permet d’analyser plus précisément les pathologies, de formuler de nouvelles hypothèses de recherche et de construire des stratégies de prévention et de traitement. Ces sujets mobilisent de plus en plus les institutions de recherche, de médecine et les milieux associatifs. Gageons que ces démarches serviront d'aiguillon auprès des pouvoirs publics pour rendre la médecine plus égalitaire, au bénéfice de la santé des femmes et des hommes.

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