Le climato-scepticisme est mort ; vivent le climato-rassurisme et le climato-cynisme !

Carte blanche

N° 416 - Publié le 29 janvier 2024
catastrophe climatique
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Photo portrait de Christophe Cassou
Carte blanche
Christophe Cassou
Climatologue, directeur de recherche CNRS au Cerfacs. Il est l’un des auteurs principaux du 6e rapport du Giec.

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2023 est l’année la plus chaude jamais enregistrée sur le globe. En France, elle se classe au 2e rang tout juste derrière 2022. Les faits sont têtus : au-delà de 2023, ce sont les dix dernières années qui ont été les plus chaudes jamais enregistrées sur le globe et il faut très probablement remonter 125 000 ans pour retrouver une décennie avec un tel niveau de température planétaire. Le rythme du réchauffement est sans précédent depuis au moins 2 000 ans. Les changements sont généralisés, rapides, affectent toutes les régions du monde et ils s’intensifient. Et c’est désormais un fait établi : l’intégralité du réchauffement global observé aujourd’hui est attribuable aux activités humaines et plus précisément à l’usage des énergies fossiles, le pétrole, le gaz naturel et le charbon, puis l’artificialisation des sols incluant la déforestation.

Parole des scientifiques discréditée


Le climato-scepticisme devient inaudible et marginal ; il se transforme en climato-rassurisme. En effet, il ne s’agit plus de nier le changement climatique, ni même son origine, alors que notre quotidien est affecté par ses effets en termes de santé, sécurité alimentaire, risques croissants à fort impact économique et social. Il s’agit d’en minimiser la gravité et la rapidité, dans un véritable déni de vulnérabilité. Il s’agit de retarder les transformations structurelles dans les modes de vie, les politiques publiques, économiques et sociales qu’il faut mettre en place de manière immédiate, soutenue dans le temps et cohérente entre tous les secteurs, pour garantir de rester dans la gamme d’adaptation possible des écosystèmes et des sociétés humaines.

Dès lors, les discours visant à maintenir le statuquo pour préserver des intérêts particuliers à la fois individuels et sectoriels se multiplient. L’ensemble s’accompagne de vérités alternatives et de présentation biaisée des faits, le tout empreint de relents populistes visant à discréditer la parole des scientifiques mais aussi celle des citoyens engagés, visant à faire peur, à désinformer, à cliver… Un des discours climato-rassuristes classiques porte sur la croyance aveugle dans les solutions technologiques et l’innovation qui nous permettraient de « résoudre » la crise climatique ou de « réparer » les dégâts sans changer nos modes de vie de manière profonde. La compensation carbone est aussi très souvent mise en avant comme une façon de prendre en compte les dégradations environnementales sur la biodiversité. Mais rien ne résiste aux faits scientifiques. Si bien évidemment technologie et innovation sont nécessaires, elles ne suffisent pas considérant la maturité de certaines solutions, les contraintes de déploiement, les risques connexes associés qui sont souvent éludés, dans un raisonnement simpliste, le plus souvent en silo.

Sans vraie considération


Chez certains décideurs et politiques, ce « climato-ça-va-le faire » revêt l’habit du climato-cynisme car ils prennent en conscience et en connaissance des décisions qui vont à l’encontre de l’adaptation résiliente et des objectifs d’atténuation (baisse des émissions de gaz à effet de serre, etc.), et le plus souvent sans vraie considération de justice et équité. 

Si la science ne peut en aucune façon dicter la décision publique, décider en ignorant sciemment des connaissances scientifiques clairement établies est problématique dans une démocratie, en présence de risques menaçants. Aujourd’hui, moment de l’action et des choix structurants, une dizaine d’années après l’Accord de Paris, les masques tombent.

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