Le parcours semé d’embûches des abeilles sauvages

Les insectes en chute libre

N° 398 - Publié le 24 mars 2022
CC BY-SA 2.0 / GILLES SAN MARTIN

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La vie des abeilles sauvages n’est pas un long vol tranquille. Et leurs cousines domestiques, élevées pour leur miel, ne leur facilitent pas la tâche.

Elles peuvent avoir de petites moustaches blanches, plein de poils sous l’abdomen, ou être entièrement vêtues de noir. Chaque abeille sauvage a sa particularité. Rien qu’en Bretagne, il en existe plus de 300 espèces différentes1. « Certaines restent relativement communes. Mais beaucoup sont des spécimens rares en danger d’extinction2 », avance Emma Jeavons, post-doctorante à l’Institut Agro à Rennes. La plupart de ces abeilles habitent et pondent dans le sol. « Leurs larves y grandissent en se nourrissant de pollen et de nectar . » Mais le travail des terres, comme le labour3, détruit leurs abris. D’ailleurs, la plupart des espèces se trouvent uniquement dans les parcs régionaux où la végétation est protégée.

Un tempo crucial

Certaines abeilles sortent de leur trou seulement trois semaines par an pour récolter le pollen. La synchronisation avec les plantes est donc primordiale, car il faut des fleurs prêtes à être butinées pendant cette courte période. « En cas de dérèglement climatique, les végétaux fleurissent parfois plus tôt », souligne Emma Jeavons. Le réchauffement actuel accentue ces possibles décalages, qui peuvent être dramatiques pour les abeilles spécialistes d’une plante unique car elles se retrouvent sans ressources. C’est le cas de la collète du lierre. « Cette espèce apparaît au début de l’automne, au moment de la floraison du lierre dont elle se nourrit. Malheureusement, le système agricole actuel favorise les grandes monocultures, ce qui diminue le nombre de haies où pousse cette plante rampante. »

Compétition entre abeilles

Au quotidien, beaucoup d’abeilles sauvages vivent seules. Certaines forment une petite colonie d’une dizaine d’individus au maximum… Rien à voir avec les dizaines de milliers d’abeilles domestiques qui séjournent dans les ruches. L’Homme a d’ailleurs sélectionné ces dernières pour leur capacité à faire du miel en excès, et ainsi pouvoir se servir. « Grâce à leurs liens sociaux, les ouvrières communiquent entre elles sur les zones où le pollen est abondant. Cela les rend plus efficaces pour détecter les sources de nourriture locales », détaille Emma Jeavons. De plus, ces véritables escadrons s’attaquent à tout type de fleurs et sont actifs toute l’année. Leur voracité laisse peu de ressources pour les abeilles sauvages, qui peuvent se faire plus rares dans les zones où des ruches sont implantées.
Malgré toutes leurs facultés, les abeilles domestiques déclinent elles aussi. En effet, l’intensification de leur élevage favorise la propagation de parasites comme le varroa4 qui peut transmettre le virus des ailes déformées5. Problème : les pollinisateurs se rencontrent autour des fleurs, et ces agents infectieux peuvent ainsi se répandre jusqu’aux abeilles sauvages… qui n’avaient pas besoin de cette menace supplémentaire.

BENJAMIN ROBERT

1. Et presque 1 000 en France.
2. Selon le rapport de l’IPBES 2019, au moins 40 % des espèces d’abeilles sont menacées dans la plupart des pays.
3. Technique qui consiste à retourner la terre sur une certaine profondeur, avant de l’ensemencer.
4. Ce parasite agit comme une tique en se nourrissant sur l’abeille.
5. Les abeilles touchées par ce virus présentent des ailes rétrécies, ce qui les empêche de voler.

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