Des prothèses “do it yourself”

L'Homme augmenté, fantasme ou réalité ?

N° 397 - Publié le 23 février 2022
MY HUMAN KIT
Nicolas Huchet présente les plans de sa prothèse imprimée en 3D.

Magazine

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À Rennes, l’association My Human Kit invente et partage des solutions techniques pour les personnes en situation de handicap.

Impossible de raconter l’histoire de My Human Kit sans évoquer celle de son co-fondateur, Nicolas Huchet. Tout démarre en 2002, quand il perd sa main droite dans un accident du travail. Alors âgé de 18 ans, il va passer dix ans « dans le mal-être », selon ses mots. « On ne se vante pas d’être amputé et d’avoir une prothèse. Surtout que celles que l'on me proposait n’étaient pas vraiment adaptées, c’était une grande frustration. » Les modèles remboursés par la sécurité sociale ne reproduisent que le mouvement du pouce et de l’index. « J’ai perdu de nombreuses interactions sociales : serrer une main, prendre quelqu’un dans mes bras… » Tout bascule en 2012 : « J’ai mis les pieds par hasard dans un fablab présenté lors du festival Viva Cité à Rennes. » Il y rencontre ses futurs associés, qui croient en son projet un peu fou : imprimer une prothèse en 3D !

Une main faite maison

Quelques mois plus tard, il lance la conception de Bionicohand, un jeu de mot aussi habile que l’objet en lui-même. La recette est une merveille d’ingéniosité : les plans d’une main en libre accès sur internet, une trentaine d’heures d’impression 3D, une carte électronique programmable, des capteurs musculaires et des piles. Le tout, agrémenté de Scotch, de fils de pêche et de quelques vis, donne en 2013 une main robotique dont le coût de fabrication s’élève à… 200 euros. Le projet trouve un écho rapide1, de Rome à Saint-Pétersbourg, en passant par Bombay et New York. « C’est avant tout le fruit de l’intelligence collective », rappelle Nicolas Huchet. Bien entouré, il fonde en 2014 My Human Kit, autour d’une philosophie bien particulière : « Utiliser le handicap comme levier pour fédérer des personnes autour d’un projet technique, dans le but d’apprendre et de faire évoluer les mentalités. »

Créativité et partage

L’association est aujourd’hui installée à Rennes2, dans une salle de 70 m2 baptisée HumanLab. Ce fablab dispose d’imprimantes 3D, d’une découpeuse laser, d’un scanner 3D… « C'est un lieu de rencontres et d'apprentissage, où l'erreur et le travail manuel sont valorisés. » Ici, toute personne en situation de handicap peut devenir l’artisan d’une prothèse qui lui correspond. « Au-delà de la réparation physique, c’est une question de réparation psychologique et d’estime de soi. Le handicap n’est plus un frein mais une source de créativité ! » Au cœur de cette association, la valeur du partage est essentielle : « Aucune de nos inventions n’est brevetée. Au contraire, elles sont disponibles sur internet3. » Le nombre de projets réalisés est à la mesure de la diversité des personnes qui ont sollicité My Human Kit. « L'appuie-tête rotatif électrique de Mathilde, le fauteuil roulant motorisé de Guillaume, un logiciel de programmation adapté pour aveugles et malvoyants… » La liste semble infinie. Et Nicolas Huchet ne compte pas s’arrêter là ! Il souhaite poursuivre le projet Bionicohand pour en faire une prothèse professionnelle et certifiée.

SALOMÉ REMAUD

1. Lors d’événements et festivals de makers, un réseau d’adeptes du “faire soi-même”.
2. Dans les locaux d’Askoria, organisme de formation aux métiers de l’intervention sociale.
3. Sur le “WikiLab” créé par My Human Kit et qui regroupe plus de 200 projets d’aide technique.

Nicolas Huchet
nico@myhumankit.org

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