Le lin, une extraordinaire longévité
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Un tissu égyptien vieux de 4 000 ans ! C’est ce qu’ont analysé des chercheurs à Lorient. Résultat : les fibres de lin s’usent peu avec le temps.
Facile à cultiver, disponible près de chez nous1, léger, atténuant les vibrations et biodégradable, le lin est un candidat idéal pour remplacer la fibre de verre et de carbone2. On le retrouve dans les portières et le toit de voiture, dans les raquettes de tennis et les skis, dans les enceintes et même dans certains panneaux publicitaires. « Malgré toutes les qualités du lin, les industriels s’interrogent encore sur la durabilité des composites », explique Alain Bourmaud, ingénieur de recherche à l’IRDL3 à Lorient qui s’intéresse depuis près de 20 ans à cette herbacée. « Sa composition, à 80 % de cellulose, ainsi que ses défauts4 que l’on aperçoit sur les fibres sont déjà bien connus. Mais quel est l’effet du temps et de ses imperfections sur les propriétés mécaniques des fibres ? »
Textiles antiques
Pour répondre à ces interrogations et offrir des preuves de durabilité aux utilisateurs, une doctorante, Alessia Melelli, diplômée d’un master en conservation du patrimoine, a eu une idée originale : étudier des linges anciens et les comparer avec des textiles modernes. Pour ce faire, la section Égypte ancienne du Louvre lui a prêté quelques linges mortuaires, retrouvés en bon état de conservation dans des sarcophages égyptiens vieux de 4 000 ans.
Ainsi, depuis 3 ans, une équipe de biochimistes et chercheurs en mécanique analyse les textiles antiques avec différentes techniques pour éviter de les détruire. « Pour les préserver, nous n’avons prélevé qu’une portion de fil de quelques centimètres », précise le chercheur. La microscopie à force atomique, appliquée sur des sections du fil, a révélé les caractéristiques de surface des fibres et leur rigidité à l’échelle du nanomètre. La technique de nanotomographie a permis de reconstituer en 3D le détail des fibres. « On a comparé leur diamètre, leur structure interne et la présence ou non de défauts. » Pour compléter, d'autres observations au microscope ont mis en évidence l’organisation de la cellulose sur ces fibres.
Propriétés quasiment intactes
Les chercheurs ont été surpris par les fils de lin des tissus anciens, plus fins et de meilleure qualité que les fils actuels. « Nous avons aussi observé que seule la cellulose résiste au temps. Et que malgré la dégradation des autres molécules, le lin conserve une très bonne stabilité mécanique. Il est même légèrement plus rigide ! » Autre résultat : les défauts, plus prononcés sur les fibres anciennes, n’ont pas d’incidence sur leurs propriétés mécaniques. Prochaine étape, l’analyse de tissus5 vieux de 12 000 ans. Histoire de tirer encore le fil du temps…
1. La Normandie produit 50 % de la culture mondiale.
2. Dans les matériaux composites qui sont des assemblages de fibres et de résine.
3. Institut de recherche Dupuy de Lôme.
4. Sortes de nœuds apparents comme dans le bois.
5. D’Égypte et de la Cordillère des Andes.
Alain Bourmaud
alain.bourmaud@univ-ubs.fr
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