Au cœur de l'ancienne décharge

Sols pollués - Des solutions existent

N° 391 - Publié le 26 août 2021
STEPHAN MENORET / NANTES METROPOLE
À Nantes, près de l'ancienne décharge de la prairie de Mauves se trouve l'usine de traitement et valorisation des déchets Alcéa, en activité depuis 1987.

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L'étude souterraine d’une décharge dévoile comment les polluants se déplacent à travers le sol et les nappes.

Sous le nom poétique de la prairie de Mauves, à l'est de Nantes, se cache la deuxième plus grande décharge historique de la ville. Entre la voie ferrée et un espace naturel en bord de Loire, une zone d'un kilomètre de long cache, sous la végétation en friche, des ordures ménagères et d’autres matériaux dans une dizaine de mètres d'épaisseur. Des millions de mètres cubes de déchets ont été accumulés ici sur 40 hectares, des années 1950 aux années 1980. Des tubes sortent du sol, d'où s'échappent les gaz produits par la fermentation. Dans le cadre du programme Pollu-sols, cinq chercheurs et techniciens de l'Osuna1 étudient ce site.

Des capteurs en profondeur

« Cette ancienne décharge est très intéressante pour comprendre la mobilité des polluants émergents2, explique Cécile Le Guern, géochimiste de l'environnement au BRGM3 et coordinatrice de ce site expérimental. Comme la décharge n'est pas étanche, les déchets baignent dans un jus : le lixiviat. Nous y avons caractérisé dix-neuf substances, notamment des résidus de médicaments et du bisphénol A4. » Les scientifiques prélèvent l'eau souterraine grâce à d'anciens puits maraîchers et des piézomètres. Dans ces tubes, enfoncés jusqu'à 10 m de profondeur dans les déchets, des capteurs mesurent le niveau de l'eau, sa température, son acidité et sa salinité.

« Les substances que nous étudions ici ne sont pas encore réglementées car les données manquent », explique la chercheure en hydrogéochimie Béatrice Béchet, directrice de l'Institut de recherche sur les sciences et techniques de la ville (IRSTV). « Nous complétons les réseaux de suivi réglementaire de Nantes Métropole, pour mieux connaître les écoulements des eaux souterraines. » Grâce aux mesures de niveau, l’équipe a découvert dans quelle direction l'eau circule, entre les sédiments de la Loire et la décharge.
« Nous avons confirmé que la nappe alluviale peut monter dans le massif de déchets », précise Béatrice Béchet. Les polluants habituels ne dépassent pas les seuils réglementaires et ne contaminent pas le fleuve. Mais qu'en est-il des émergents ?

Entre des grains de sable

Leur niveau de contamination reste faible. Les chercheurs ont montré que le bisphénol A migre facilement à travers les alluvions. Mais ils ont aussi observé que des polluants métalliques (plomb, cuivre, zinc, chrome) restent sur place, bloqués en quelque sorte entre des grains de sable. « Des substances médicamenteuses vont loin mais leurs teneurs sont très atténuées par rapport à la décharge, rassure Cécile Le Guern. Il y a une forte atténuation naturelle. » Ces données sont intégrées dans l'Observatoire nantais des environnements urbains5. Ce diagnostic permettra de concevoir des traitements adaptés aux polluants émergents. Ces connaissances seront utiles ailleurs, car la France compte plus de 6 000 anciennes décharges de ce type.

NICOLAS GUILLAS

1. Observatoire des sciences de l'Univers de Nantes Atlantique.
2. Sans statut réglementaire clairement défini.
3. Bureau de recherches géologiques et minières.
4. Perturbateur endocrinien dont l’usage est interdit pour les contenants alimentaires.
5. Destiné à étudier les flux d'eau, d'énergie et de matière dans les milieux urbains.

Cécile Le Guern
c.leguern@brgm.fr
Béatrice Béchet
beatrice.bechet@univ-eiffel.fr

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