Les pieds sur la Lune, les yeux vers la Terre

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N° 368 - Publié le 4 janvier 2019
Nasa
L’astronaute John Young lors de la mission Apollo 16, en avril 1972. Six missions de la Nasa ont envoyé des hommes sur la Lune, dont le premier tour a été réalisé par Apollo 8.

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En voyageant vers la Lune, l’Homme a découvert la Terre.

Avant le premier pas sur la Lune, le 21 juillet 1969, une autre mission de la Nasa a changé notre regard sur la Terre. Il y a cinquante ans, le mardi 24 décembre 1968, la mission Apollo 8 est en orbite autour de la Lune, quand le temps s’arrête. Derrière la Lune, la Terre se lève. Les trois astronautes américains présents à l’intérieur de la capsule sont les premiers humains à découvrir notre planète dans son entier. « Pendant que tout le monde sur Terre avait les yeux braqués sur les trois astronautes, qui faisaient dix tours de Lune, eux ne parlaient que de la Terre », raconte Bruno Mauguin, responsable, avec Priscilla Abraham, du planétarium de l’Espace des sciences.

La face cachée

Trois jours après le décollage d’Apollo 8, en cette veille de Noël 1968, les astronautes américains sont à 380000 km de la Terre. Ils doivent mettre la capsule spatiale en orbite autour de la Lune, au moment où elle passe derrière la face cachée. Une manœuvre délicate et angoissante ! Car à cet endroit de l’espace, les communications avec la Terre ne passent plus. « S’ils avaient un problème derrière la Lune, nous n’aurions pas pu être au courant », poursuit Bruno Mauguin. Après 32 minutes et 37 secondes de silence, le soulagement se fait entendre. La Lune est décrite pour la première fois avec précision.

« Essentiellement grise, plutôt ennuyeuse », disent les astronautes.

Huit heures plus tard, une autre vision vient rompre leur ennui. Aux alentours de 10h30 à l’heure de Houston, le commandant Frank Borman fait tourner l’astronef sur lui-même pour observer l’astre lunaire. La Terre apparaît ! Elle se “lève” derrière la Lune. Petite boule colorée flottant dans l’immensité noire. James Lovell et William Anders, les deux autres membres de l’équipage, en oublient quelques instants leur programme. Ils photographiaient de possibles sites d’alunissage. Ils tournent alors l’objectif des appareils photos vers la planète bleue.

Un monde à protéger

À leur retour sur Terre quelques jours plus tard, l’humanité subit le choc de cette image. « En voyant la Terre sur ces photos, nous avons réalisé que la maison est là, explique Bruno Mauguin. Les humains sont des Terriens, qu’ils soient américains ou soviétiques. Nous avons pris conscience que la Terre est un monde fini, qu’il faut absolument protéger. » Il faudra encore du temps pour que la conscience écologique se généralise... Les astronautes, eux, reviennent de l’espace totalement imprégnés. « Nous arrivons au paradis quand nous naissons, pas quand nous mourrons », note James Lovell. William Anders résume : « Nous avons fait tout ce chemin pour étudier la Lune. Et nous avons découvert la Terre. »

Philippe Henarejos(1) raconte cette première vue sur la Terre.

« On ne peut pas vivre ailleurs »

Sciences Ouest : Cette vision a-t-elle surpris les astronautes d’Apollo 8 ?
Philippe Henarejos : Oui ! Lors de leurs trois premières orbites, ils étaient face à la Lune. Ils ne pouvaient pas voir la Terre. Lors de la quatrième orbite, leur vaisseau s’est retrouvé face à notre planète. Ils l’ont vue seule dans l’espace, bleue sur un fond noir. C’était un paradis isolé, alors qu’ils survolaient l’horizon désert de la Lune. Tout le contraire d’une planète vivante et accueillante.

SO : Ils devaient photographier la Lune !
PH : À La Nasa(2), on ne pensait pas qu’ils allaient voir la Terre comme cela. À l’époque, l’agence est dans une course de vitesse. Une course technique et délicate, faite de missions dangereuses. La Nasa s’intéresse uniquement à la Lune et aux sites d’alunissage. Elle n’a pas le temps de faire des photos touristiques. D’autant plus qu’on avait déjà photographié la Terre depuis l’espace, grâce aux sondes Luna Orbiter. Mais les photos étaient saturées en lumière, on n’y voyait rien.

SO : Cette vue a-t-elle créé un choc ?
PH : Cette première photographie a permis d’avoir conscience que la Terre est une planète finie, que l’on ne peut pas vivre ailleurs. Son effet a été renforcé car, pour la première fois, c’est un humain qui a pris cette photo. Mais le changement a été lent.

L’Espace des sciences fête les 50 ans de l’épopée lunaire

Sept mois après Apollo 8, la mission spatiale Apollo 11 conduira Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur la Lune. Pour le cinquantième anniversaire de cet événement historique, l’Espace des sciences propose la séance de planétarium “L’Homme et l’Espace” pour découvrir les missions Apollo. Rendez-vous au planétarium. www.espace-sciences.org/planetarium Le 26 mars 2019, Philippe Henarejos (lire ci-dessus) animera une conférence à l’Espace des sciences. Il retracera la course à la Lune et racontera les périples des excursions sur le sol lunaire. La conférence sur la chaîne YouTube de l’Espace des sciences : www.espace-sciences.org/conferences/ils-ont-marche-sur-la-lune.

Au planétarium de Bretagne, à Pleumeur-Bodou

À Pleumeur-Bodou (Côtes-d’Armor), le planétarium organise cette année une série d’événements pour le cinquantième anniversaire de la conquête de la Lune. Rendez-vous le 22 février à 17h30 pour une première séance spéciale “La Lune, une histoire mouvementée”, puis le 19 avril pour la conférence “La conquête de l’espace”. Pour en savoir plus : www.planetarium-bretagne.fr.

Claire Guérou

(1) Rédacteur en chef de la revue Ciel & Espace et auteur du livre Ils ont marché sur la Lune, Ed. Belin, 2018.
(2) Agence spatiale américaine (National aeronautics and space administration).

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