Le virus Zika résiste
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Santé Transmis par voie sexuelle, il vit très longtemps dans les testicules.
L’urgence est passée, mais le combat contre Zika est loin d’être terminé. Des chercheurs du monde entier sont mobilisés contre ce virus en émergence. À l’Irset(1) à Rennes, l’équipe de Nathalie Dejucq-Rainsford participe à ces recherches, au sein du consortium européen Zikalliance(2).
Connu chez l’homme depuis 1952 en Ouganda, le virus se transmet principalement par des moustiques(3). Il se propage à travers l’Afrique et l’Asie dans les années 60, aborde les îles du Pacifique en 2007. En 2015, une épidémie de grande ampleur touche le Brésil et les pays voisins. Des effets inattendus sont observés. De nombreuses femmes enceintes, contaminées par le virus, donnent naissance à des enfants souffrant de microcéphalie(4) et d’anomalies du système nerveux central. Aujourd’hui, il n’existe pas de vaccin ni de médicament spécifique contre Zika.
En 2016, la contamination par voie sexuelle est confirmée. Des personnes sont infectées dans quatorze pays sans moustiques. « Personne n’y croyait au début, rappelle Nathalie Dejucq-Rainsford, directrice de recherche à l’Inserm(5). Mais le virus Zika peut se transmettre par le sperme. »
Pas de symptômes
L’infection peut passer inaperçue, car la moitié des patients ne présente pas de symptômes. Un malade sur deux développe une petite fièvre.
Les biologistes de l’Irset étudient les organes reproducteurs et les virus sexuellement transmissibles(6). Ils ont analysé le sperme de patients de Martinique et de Guadeloupe touchés par Zika. « En 2017, nous avons montré que le virus persiste dans le sperme, plusieurs mois après la fin des symptômes, explique la biologiste. Les spermatozoïdes sont porteurs de virus infectieux. Leur nombre baisse et les formes anormales sont plus nombreuses. » Son équipe se demande alors par quels mécanismes le virus parvient-il dans le sperme et pourquoi modifie-t-il les spermatozoïdes ? Les résultats de ces nouvelles recherches viennent d’être publiées(7).
L’expérience a consisté à exposer au virus des fragments de testicules d’hommes(8) non infectés, pendant neuf jours. Résultat : le virus s’y multiplie très bien. Il infecte les spermatozoïdes, mais aussi les cellules germinales qui créent les spermatozoïdes ! L’observation du sperme de patients le confirme. « C’est très étonnant, car le testicule est un “sanctuaire” dans l’organisme. Il protège ses cellules par une barrière, physique et chimique, contre les virus et les autres pathogènes. »
Réservoir du virus
Autre surprise, les cellules testiculaires infectées ne sont pas tuées par le virus Zika, contrairement à celles du sang. « Elles peuvent vivre longtemps. Cela pourrait expliquer pourquoi les spermatozoïdes ne sont pas en forme. » Et pourquoi Zika peut persister plusieurs mois dans le sperme. Le testicule serait un réservoir pour ce virus. C’est inédit dans cette famille de virus, qui compte la dengue et la fièvre jaune. Avant d’atteindre l’objectif ultime d’un médicament, les informations apportées par cette étude sont essentielles pour tester, un jour, l’efficacité d’agents antiviraux.
(1) Institut de recherche en santé, environnement et travail.
(2) Zikalliance regroupe 54 équipes de chercheurs, coordonné par l’Inserm et soutenu par l’Europe. (3) L’espèce Aedes aegypti, présente dans les zones tropicales, transmet le virus.
(4) Croissance trop faible du crâne et du cerveau.
(5) Institut national de la santé et de la recherche médicale.
(6) Dont le VIH.
(7) Zika virus infects human testicular tissue and germ cells, Journal of clinical investigation, sept. 18. (8) Des testicules post-mortem.
Nathalie Dejucq-Rainsford
tél. 02 23 23 50 69
nathalie.dejucq-rainsford@univ-rennes1.fr
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