« Le seul arbitre, toujours, est la nature elle-même »
Portrait
Océanographe biologiste, Ifremer Brest
Un métier fondé sur la science et sa méthode ! Je suis passionné par la mécanique rationnelle de la science. Formuler rigoureusement ses hypothèses, les tester avec des mesures objectives et être soumis au regard des pairs. À terme, il n’y a qu’un seul arbitre, toujours, la nature elle-même.
Je suis spécialiste de modélisation mathématique. J’ai cherché à expliquer des phénomènes apparemment déroutants et complexes, par la conjonction de causes simples. J’y suis arrivé pour les marées vertes notamment. En 1988, nous avons démontré que les algues vertes se développent sur certaines plages, dès qu’elles trouvent un apport d’azote, sous la forme de nitrates échappés des champs.
Non. Dans la méthode scientifique, pas vraiment ! Mais le hasard de rencontres a parfois orienté mes recherches.
Beaucoup de temps. Nous sommes soumis à un rythme de réunions internes, externes... Avec beaucoup de parlote. Les obligations administratives, avec le dépôt des projets à l’ANR(1), prennent un temps considérable. Nous pouvons être refusés trois fois, après avoir passé des mois à préparer des dossiers.
J’ai peur que nous exploitions les ressources limitées de notre planète, de manière encore plus efficace. Il pourrait apparaître ce qui arrive dans une culture d’algues en milieu clos. Elles se développent énormément, jusqu’au moment où leurs besoins journaliers en sels nutritifs excèdent le stock restant : tout meurt en une journée ! Nos sociétés peuvent connaître une extinction rapide, si nous ne préservons pas les richesses naturelles.
À la fin de ma carrière, je découvre une explication mécaniste de la répartition d’animaux vivant sur les fonds marins(2). C’est un champ scientifique qui s’ouvre, j’aurais aimé y participer !
Dans la science, rien. Ce qui m’inquiète, c’est que la rationalité ne séduit pas les sociétés humaines dans la conduite de leurs affaires. Je suis très étonné que nous accordions encore de l’intérêt à ceux qui disent qu’il n’y a pas de réchauffement climatique, ou qui estiment que le nitrate qui fuit de l’agriculture intensive n’est pas responsable des marées vertes. C’est irrationnel.
(1) Agence nationale de la recherche.
(2) Lire article page 16.
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du magazine Sciences Ouest