Une carte qui redessine la mer

N° 364 - Publié le 10 septembre 2018
Nicolas Guillas
Des cartes, intégrant des données complexes, vont permettre de faire des choix concertés pour l’exploitation de l’océan.

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Comment exploiter l’océan de façon concertée ? Le Lab-Sticc crée des cartes pour prendre les bonnes décisions.

Où positionner les sites d’exploitation des énergies marines ? Les projets de parcs éoliens en Bretagne sont un véritable ouroboros, qui n’en finit pas de buter sur des injonctions contradictoires. Les riverains s’inquiètent pour leur paysage, les biologistes pour l’écosystème, les industriels pour la rentabilité... Et si la solution venait de la recherche en informatique ? Dans les laboratoires de l’IMT Atlantique(1), l’équipe du professeur Patrick Meyer (photo) travaille sur des algorithmes d’intelligence artificielle (IA). Ils vont peut-être mettre tout le monde d’accord !

Des données complexes

« Nous travaillons avec le Service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom) depuis 2013, sur un outil d’aide à la décision maritime nommé DeSEAsion », explique Patrick Meyer, chercheur CNRS en informatique(2). Concrètement, l’équipe Decide du Lab-Sticc(3) invente des modèles mathématiques pour organiser des données complexes. « Imaginez que vous devez acheter une voiture. Le look, le prix, la consommation, sont des données évaluables que vous prenez en compte. Pourtant, vous n’allez pas accorder la même importance à ces critères, en fonction de vos convictions. C’est la même chose pour des projets de grande envergure. Chacun a son avis, mais il faut chercher le consensus. »

Définir les limites d’un parc d’éoliennes nécessite, par exemple, de prendre en compte des données quantitatives, comme la force du courant et du vent, mais aussi des données qualitatives, comme l’attitude des riverains, du préfet ou des associations. « En d’autres termes, DeSEAsion doit mélanger des choux et des carottes, afin de proposer la meilleure solution ! »

Expliquer une recommandation

Devant une carte des lieux possibles pour l’implantation de futurs parcs éoliens, le chercheur précise : « C’est de l’intelligence artificielle, dans le sens où la machine propose des recommandations à partir d’un agencement logique des données. Elle apprend des expériences passées. Mais il ne faut pas confondre l’aide à la décision avec le deep learning, la méthode d’IA la plus en vogue en ce moment. Le deep learning permettrait également d’obtenir de bons résultats. Mais nous aurions du mal à expliquer la recommandation obtenue. »

Cette opacité poserait problème pour l’aide à la décision, car les acteurs doivent connaître les règles utilisées par la machine. Cela permet de vérifier que tous les critères ont bien été pris en compte. « C’est souvent au moment où la première carte de résultat est proposée aux décideurs, que l’on réalise que des facteurs n’ont pas été pris en compte, ou que certains acteurs n’ont pas assez de poids dans la décision. » Au final, intelligence artificielle ou pas, le dernier mot reste à l’humain.

BAPTISTE CESSIEUX

(1) École nationale supérieure Mines-Télécom Atlantique Bretagne-Pays de la Loire.
(2) Spécialisé dans le big data et l’aide informatique à la décision.
(3) Laboratoire des sciences et techniques de l’information, de la communication et de la connaissance.

Patrick Meyer, tél. 02 29 00 14 63
patrick.meyer@imt-atlantique.fr

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