De la télé aux nanorobots

N° 363 - Publié le 6 juin 2018
Olnica
En faisant varier le concentration de terres rares, ici l'europium (rouge) et le terbium (vert), les chercheurs de l'ISCR veulent comprendre leur magnétisme, lorsqu'elles sont intégrées dans des matériaux organiques. La photo est prise sous lumière ultraviolette.

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La télévision doit ses couleurs aux terres rares. Aujourd’hui, leurs propriétés sont étudiées à l’échelle de la molécule.

Avant les aimants permanents et le boom de la consommation, les terres rares étaient déjà utilisées dans les années 70. Leur rôle était d’apporter la couleur aux tubes cathodiques. Les terres rares sont ici utilisées pour leurs propriétés optiques. Parmi les dix-sept, certaines sont en effet des luminophores : elles émettent de la lumière dans des longueurs d’ondes spécifiques, après avoir été excitées. Autrement dit, elles renvoient une couleur donnée, après avoir été perturbées par de l’électricité ou de la lumière. Dans le cas des téléviseurs cathodiques, c’est l’europium (rouge) et le terbium (vert) qui apportent les couleurs primaires nécessaires à la “télé couleur”.

Aujourd’hui, cela représente moins de 7 % de l’utilisation des terres rares(1), mais des chercheurs l’utilisent à l’échelle nanométrique. Non plus à l’échelle d’un morceau de métal, mais à celle d’une molécule elle-même. C’est ce qu’étudient les équipes d’Olivier Guillou dans les laboratoires de l’Institut national des sciences appliquées, à Rennes. « Nous étudions des ions terres rares, qui sont liés entre eux par des molécules organiques, détaille le chercheur qui travaille sur ce domaine depuis 1987. À cette échelle, la lumière dégagée par la terre rare, lorsqu’elle quitte son état excité pour reprendre son état normal, peut créer des interférences avec les autres terres rares. » Ce problème peut gêner la création de nouvelles applications.

Interactions entre terres rares

« Pour empêcher cela, il faut comprendre les mécanismes mis en jeu, continue Olivier Guillou. Notre travail est de la chimie de coordination : nous observons les interactions entre les terres rares et les ligands organiques. » Pour éviter les interférences, les chimistes alternent les terres rares. Par exemple, en juxtaposant un europium, facilement réactif, et un gadolinium, plus stable. Ainsi, la lumière émise par l’europium ne viendra pas exciter le gadolinium. En utilisant des concentrations différentes des dix-sept terres rares, en fonction de leur réactivité, les chimistes naviguent dans les millions de milliards (1015) de compositions possibles.

Le jeu en vaut la chandelle. Des applications ont déjà émergé de ces recherches, notamment le procédé de l’entreprise Olnica(2), pour lutter contre la contrefaçon à l’aide de “code-barres luminescents”, faits de terres rares à l’échelle atomique. Il y a également une idée plus lointaine. « Le fantasme, ce serait de pouvoir s’adresser à un ion terre rare unique, grâce à une irradiation ultraviolette », se plaît à rêver Olivier Guillou. Cette prouesse aurait de multiples utilisations, notamment en électronique. En effet, sous certaines conditions, les propriétés optique et magnétique des terres rares peuvent être synchronisées. Cela veut dire que l’on pourrait alterner entre deux états magnétiques d’une terre rare, uniquement en l’éclairant avec la bonne couleur. « On pourrait alors communiquer à distance avec de minuscules objets électroniques, comme des nanorobots. »

Baptiste Cessieux

(1) BRGM, 2012.
(2) Lire Des marqueurs infalsifiables, Sciences Ouest n° 303, nov. 2012.

Olivier Guillou
tél. 02 23 23 84 38,
Olivier.Guillou@insa-rennes.fr

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