Détecter une marée chimique

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N° 361 - Publié le 12 avril 2018
Cedre
Une nappe d'huile de colza dans un bassin du Cedre. D'autres polluants sont indétectables à l'œil nu.

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La pollution chimique en mer est moins visible qu’une marée noire. À Brest, le Cedre a participé à la mise au point de nouveaux capteurs.

 Depuis la marée noire  de l’Amoco Cadiz (lire encadré), les progrès techniques ont permis de repérer rapidement les hydrocarbures en mer. Au-dessus d’un navire échoué ou qui dégaze, des avions équipés de caméras et de capteurs évaluent le type de pollution et son étendue. Mais quand ce n’est pas du pétrole qui flotte ? La détection de produits chimiques variés est beaucoup plus difficile. Lancé en 2014 à la demande de la Douane, le projet Polluproof s’est terminé en décembre dernier. Il a réuni la Marine nationale, le Cedre(1), l’Onera(2) et d’autres partenaires(3). Son objectif est de mieux détecter, localiser et catégoriser des polluants chimiques déversés en mer.

Six polluants
Les ingénieurs ont sélectionné six polluants, comme le toluène, le méthanol et l’huile de colza, parmi les produits les plus courants du trafic maritime(4). « L’idée était d’avoir une palette assez variée de comportements, pour améliorer les dispositifs de détection », explique Sophie Chataing, ingénieure au Cedre. De nombreux critères ont été pris en compte, comme la toxicité du produit et sa réaction avec l’eau. « Une substance chimique peut rester en surface. On repère alors une nappe. D’autres se mélangent avec l’eau ou s’évaporent. » Comment mesurer alors cette pollution ? Deux campagnes de terrain ont été organisées. Dans un premier temps, les six polluants chimiques ont été déversés un à un dans les bassins du Cedre, à Brest. L’objectif était de calibrer les capteurs optiques. La seconde expérience s’est déroulée en Méditerranée avec le Ceppol(5) de la Marine nationale, qui a déversé les six produits, de manière contrôlée. Des avions équipés de radars et de capteurs optiques, réglés à Brest, ont survolé la zone pour des mesures grandeur nature.

Capteurs innovants
La collaboration entre les chimistes brestois du Cedre et les physiciens de l’Onera, à Salon-de-Provence, a permis de créer des capteurs innovants. « Nous avons montré que nos capteurs expérimentaux apportent des informations complémentaires », explique Sébastien Angelliaume, ingénieur de recherche à l’Onera. « L’un d’eux sert à la détection, tandis qu’un autre mesure la quantité du produit, ou identifie sa famille. Ce travail expérimental n’avait jamais été fait », précise-t-il.

Ces recherches ont donné lieu à la publication de deux premiers articles scientifiques(6). La prochaine étape consiste à élargir la gamme de produits testés. Quand ce dispositif sera finalisé, il sera intégré aux avions des Douanes. Les images obtenues pourront témoigner d’un rejet de polluants chimiques, comme pour le mazout. Ces preuves aériennes permettront d’assurer une intervention efficace, dans le cas de pollution accidentelle. Elles seront aussi utiles dans le cadre d’une poursuite en justice.

40 ans de recherche depuis l'Amoco

Le 16 mars 1978, l'Amoco Cadiz déversait 227 000 tonnes de pétrole sur les côtes bretonnes. Cette catastrophe est la pire marée noire en Europe. Quarante ans après, l'Université de Bretagne Occidentale a organisé une série de tables rondes à Brest. Les experts du Cedre ont apporté leur éclairage. "Les études ont montré qu'il a fallu 6 à 7 ans pour qu'un environnement équilibré se stabilise, avec les espèces préalablement présentes", explique Florence Poncet, ingénieure au Cedre. À l'époque, les scientifiques avaient peu de données sur les milieux. "Aujourd'hui, les méthodes d'analyse ont évolué. Nous disposons de données de référence, grâce aux réseaux d'observation. Cela pemet de mieux évaluer l'impact en cas d'accident." Les scientifiques identifient aujourd'hui les zones sensibles et améliorent leurs outils de gestion. Ils tentent de mieux comprendre les mécanismes biologiques et les comportements des produits pétroliers et chimiques.

Marion Guillaumin

(1) Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux.
(2) Office national d’études et de recherches aérospatiales.
(3) Avdef, Agenium et RDDC.
(4) Les autres polluants ciblés sont le xylène, l’heptane, et le Fame (huile transparente).
(5) Centre d’expertises pratiques de lutte antipollution.
(6) IEEE Transactions on Geoscience and Remote Sensing (2017) et IEEE International Geoscience and Remote Sensing Symposium (2016).

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