Il fait voler les bateaux
Un entrepreneur lorientais s’est positionné sur le marché très innovant des foils, pour faire décoller les bateaux.
Quand vous mettez la main à la portière de la voiture, elle s’appuie sur l’air. Plus la vitesse est grande, plus la résistance est forte. Et puis, à un moment, si vous trouvez le bon angle, votre main décolle... La portance a fait son effet et il y a décrochage ; comme en avion ! C’est le principe du foil, cette pièce qui soulève les bateaux, jusqu’à les faire “voler” au-dessus de l’eau. Le résultat se fait tout de suite sentir : le bateau fait moins de traînées, subit moins de frottements. Il prend de la vitesse et gagne en stabilité car : « À trente centimètres au-dessus de l’eau, on évite pas mal de vagues. » Ingénieur, passionné d’innovation, Richard Forest a rapidement perçu les enjeux de ces appendices.
Des foils imprimés en 3D
Il crée le bureau d’études SEAir au début de l’année 2016 pour travailler sur le développement des foils, avec deux idées en tête. La première est de faire entrer les robots dans le domaine du nautisme. Car des plus petits, une quarantaine de centimètres pour les planches de kitesurf, au plus grands, jusqu’à quatre mètres de long pour les gros voiliers, les foils sont actuellement réalisés à la main, par empilements successifs de fines couches de matériaux composites. Dans le cadre du projet FoilAddict, initié par SEAir et débuté à la fin de 2016 avec l’UBS et son plateau technique ComposiTic (lire p. 10 à 12), et l’écurie de course au large Absolute Dreamer(1), plusieurs techniques d’automatisation ont été testées. « L’impression 3D fonctionne bien pour les petites pièces, explique Richard Forest. Pour les foils les plus importants qui, en plus, sont de forme courbe, les robots bras sont très intéressants car ils peuvent les fabriquer d’un seul tenant. » Un point crucial pour des pièces qui subissent d’énormes contraintes. « Les autres intérêts de la robotisation sont bien sûr le gain de temps - deux jours contre deux semaines en fabrication classique manuelle pour un foil de taille moyenne -, le fait qu’il n’y ait pas de pertes de matière et la précision redoutable des machines. » Sans parler du confort de travail du personnel qui n’aura plus le risque de respirer les solvants... Ces travaux sont toujours en cours. « Il nous reste encore à trouver le modèle économique, poursuit Richard Forest. Car les robots sont rentables sur certains foils, pas sur tous. Investir dans une machine est très compliqué. Mais louer du temps d’utilisation d’une machine mutualisée pourrait vraiment être intéressant. »
Deux premières mondiales
Surtout si la deuxième idée de SEAir émerge, à savoir la fabrication de pièces en série. Cela ne concerne évidemment pas les gros bateaux pour lesquels chaque foil est une pièce unique. L’entreprise a eu l’idée de s’attaquer aux bateaux à moteur et plus particulièrement aux semi-rigides (de type Zodiac). « Quand j’ai créé SEAir, beaucoup étaient sceptiques et n’y croyaient pas. Pourquoi se spécialiser dans la fabrication de foils quand, aujourd’hui, les bateaux de course n’ont pas le droit de voler, à part dans l’America’s Cup ? Mais moi, je ne voulais pas faire des foils pour faire de la course, mais tout simplement pour voler ! » Après avoir été les premiers à faire décoller un monocoque de course au large en janvier dernier, les équipes de SEAir ont réalisé une deuxième première mondiale en juillet dernier en faisant voler un bateau semi-rigide. Depuis, la marque Zodiac s’est rapprochée d’eux et, après avoir écumé plusieurs salons nautiques (Cannes, Monaco, Amsterdam), SEAir vient de vendre son premier bateau. Le début de la phase d’industrialisation ? « En 1987, Éric Tabarly avait dit : “Un jour, tous les bateaux voleront”. Je pense que l’on est à l’aube de cette période », conclut Richard Forest.
(1) Grâce à des financements du Conseil régional et de BPI. Le projet est labellisé par le pôle de compétitivité Emc2.
SEAir
Richard Forest
tél. 06 70 81 85 66
richard@seair.fr
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