Photovoltaïque : un jeu de Lego moléculaire
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Chimie Des chercheurs rennais ont participé à une découverte qui pourrait augmenter l’efficacité des cellules photovoltaïques.
Et si, plutôt que de chercher de nouvelles molécules pour produire plus efficacement de l’énergie photovoltaïque, il fallait d’abord optimiser l’arrangement de celles qui sont déjà connues ? C’est ce que suggèrent Jeanne Crassous et Ludovic Favereau, chercheurs à l’Institut des sciences chimiques de Rennes(1), suite à une étude effectuée en collaboration avec des chercheurs d’Angers(2). Les deux Rennais sont spécialistes de la chiralité, une propriété de la structure 3D des molécules. À la manière de nos mains, les molécules chirales peuvent avoir deux formes, qui sont l’image l’une de l’autre dans un miroir. Prenons l’exemple de la molécule(3) testée. C’est une molécule organique qui s’enroule en hélice, soit vers la droite, soit vers la gauche. Lorsque les chercheurs la synthétisent, ils en obtiennent autant d’une forme que de l’autre, mais il est possible de les séparer, pour n’avoir qu’un seul type.
Six fois plus efficace
Leur recherche, parue le 10 avril dernier dans la revue Chemistry, a révélé qu’une forme pure (droite ou gauche) est cinq à six fois plus efficace pour produire de l’électricité que lorsque les deux formes sont mélangées. Pour le comprendre, il faut se pencher sur la façon dont est produite l’électricité : quand l’énergie lumineuse frappe le dispositif, elle transfère des électrons d’un matériau donneur vers un matériau accepteur. Les charges ainsi produites se propagent jusqu’aux électrodes et génèrent un courant électrique. Ici, la molécule chirale sert d’accepteur d’électrons.
« Le mélange entre une seule forme de la molécule chirale et le donneur d’électrons est plus homogène qu’en présence des deux formes. » explique Ludovic Favereau. Ceci est dû au fait que les molécules acceptrices ont toutes la même orientation et s’emboîtent donc mieux.
Déposé sur des tissus
« Notre découverte est plus importante d’un point de vue fondamental que pour sa performance », relativise Jeanne Crassous. En effet, dans le meilleur des cas, le rendement du dispositif photovoltaïque obtenu n’est que de 2 %. Une efficacité qui peut paraître faible, notamment au vu des 20 % de rendement atteint par les panneaux en silicium. « Les deux ne sont pas comparables, précise cependant Ludovic Favereau. Dans notre étude, il s’agit de molécules organiques, qui ont des rendements plus faibles que les matériaux inorganiques, mais qui n’ont pas la même utilisation. » Les molécules inorganiques, dont fait partie le silicium, sont rigides. Au contraire, les molécules organiques sont souples et plus faciles à synthétiser. Elles peuvent être déposées sur du tissu, pour équiper des vêtements ou des sacs. Mais la découverte des chercheurs s’étend au-delà de ces molécules organiques : « C’est la première fois que l’on montre l’effet de la structure tridimensionnelle à l’échelle d’un dispositif photovoltaïque. Cela peut donner des idées à d’autres. Dès que l’on est en trois dimensions, la notion de symétrie et donc de chiralité mérite d’être posée. Notamment pour les pérovskites(4), des molécules inorganiques très prometteuses pour le photovoltaïque », conclut Jeanne Crassous.
(1) Unité mixte de recherche CNRS, Université de Rennes 1, École nationale supérieure de chimie de Rennes, Institut national des sciences appliquées de Rennes.
(2) Philippe Blanchard et Clément Cabanetos, Moltech-Anjou (Unité mixte de recherche CNRS, Université Angers).
(3) Un hélicène naphthalimide.
(4) Lire De nouvelles cellules solaires enflamment la recherche, Sciences Ouest n° 322-juillet 2014.
Jeanne Crassous
tél. 02 23 23 57 09
jeanne.crassous@univ-rennes1.fr
Ludovic Favereau
tél. 02 23 23 68 91
ludovic.favereau@univ-rennes1.fr
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