Quand trop de fer nuit
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Une étude rennaise pourrait modifier la façon de soigner l’hémochromatose, une maladie génétique fréquente en Bretagne.
Le passage du fer dans le sang est normalement régulé par les cellules de l’intestin. Mais chez certaines personnes (une sur 300 en Bretagne), une des protéines responsables de ce contrôle est défaillante, laissant librement circuler le fer, qui s’accumule progressivement dans les organes, d’abord dans le foie, puis dans le pancréas, les articulations, le cœur, la peau... C’est l’hémochromatose. « Les symptômes apparaissent vers 35-40 ans chez les hommes et au moment de la ménopause chez les femmes », explique Yves Deugnier, professeur au CHU de Rennes (1).
Un indicateur insuffisant
Selon les organes touchés, les signes peuvent être multiples : sensation de fatigue, douleurs articulaires, diabète, cirrhose ou encore troubles cardiaques. Le traitement contre cette maladie génétique repose sur des saignées régulières. « L’objectif est de retirer des globules rouges riches en fer, pour obliger l’organisme à puiser dans ses réserves excédentaires de fer », explique le chercheur. Malgré le traitement, les symptômes persistent pour un quart des patients. L’hypothèse de l’équipe rennaise est que le paramètre pris en compte pour déterminer la fréquence des saignées est insuffisant. « L’habitude a été prise de régler le traitement sur la quantité de ferritine, la protéine qui stocke le fer à l’intérieur des cellules, explique le professeur. Elle peut être dosée en faisant une prise de sang. » Mais avant d’arriver aux organes, le minéral est transporté par une autre protéine, la transferrine. Chez une personne en bonne santé, le taux de “remplissage” (le terme scientifique est saturation) est en dessous de 50 %. Chez une personne atteinte d’hémochromatose, il peut atteindre 80 voire 100 % : la transferrine est débordée et du fer libre, toxique pour les cellules, passe directement du sang dans les tissus.
Spécificité celte
« Nous avons repris les données de tous les patients suivis dans notre service et nous avons montré un lien entre un taux de saturation de la transferrine élevé et la persistance ou l’apparition de troubles, malgré une quantité de ferritine en dessous du seuil de recommandation, soit 50 µg par litre », explique Yves Deugnier. Cette première étude a été faite sur 266 patients et publiée en janvier dernier. Mais il s’agit d’un travail rétrospectif qui ne permet pas de modifier les recommandations pour le traitement de la maladie. Les chercheurs espèrent pouvoir commencer en début d’année prochaine un essai clinique, comparant un groupe soigné en se basant sur leur taux de ferritine, et un autre en régulant la saturation de la transferrine. Si le résultat de leur première étude est confirmé, il faudra modifier les critères de suivi du traitement de cette maladie, qui est plus fréquente en Bretagne que dans le reste de la France. La mutation génétique responsable est en effet apparue au sein du peuple celte et s’est ensuite répandue au gré des migrations : en Bretagne mais aussi en Irlande, dans les pays scandinaves et jusqu’en Australie, où est actuellement parti travailler Édouard Bardou-Jacquet, le principal auteur de l’étude !
(1) Service des maladies du foie, Centre de référence des surcharges en fer rares d’origine génétique (Université de Rennes 1, Inserm).
Yves Deugnier
02 99 28 42 97
yves.deugnier@univ-rennes1.fr
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