Dans le poisson, tout est bon ?

N° 350 - Publié le 7 mars 2017
Ifremer/Olivier Barbaroux

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Oméga-3 et oligoéléments contre mercure et polluants. Consommer des produits de la mer est-il si bon pour la santé ?

D’après l’étude Calipso menée par l’Anses (1), 49,5 % des Français pensent que la consommation de produits de la mer présente un risque léger pour la santé et 35,1 % jugent ce risque majeur, incriminant en premier lieu les pesticides et les produits chimiques. Ces craintes sont-elles fondées ? Les risques liés à leur consommation sont-ils compensés par des apports nutritionnels fondamentaux ?

 

Un cocktail de bienfaits

D’un point de vue protéique, la viande et le poisson apportent sensiblement les mêmes bénéfices : leur teneur moyenne en protéines est équivalente (19-20 g pour 100 g de chair), leur composition en acides aminés identique. Néanmoins, dans le poisson, la teneur en collagène, protéine constituant le tissu fibreux dit conjonctif, est jusqu’à 10 fois plus faible que dans la viande de bœuf, rendant sa chair plus fondante et digeste (2). Source importante d’oligoéléments (sels minéraux, iode) et de vitamines, c’est surtout au niveau des matières grasses que le poisson se démarque des autres aliments. « Sa chair contient en effet beaucoup d’oméga-3, une graisse synthétisée uniquement par les végétaux (du phytoplancton ici en l’occurrence) et indispensable au bon fonctionnement de notre cœur et de notre cerveau », précise Bernard Schmitt, expert-consultant au Centre d’investigation clinique sur la nutrition humaine (Cernh). Cette teneur en oméga-3 varie néanmoins selon que l’on consomme du poisson sauvage ou d’élevage. « Libre de se déplacer en fonction de la ressource en phytoplancton, le saumon sauvage, par exemple, est l’un des plus riches en oméga-3. En revanche, chez le saumon d’élevage, comme pour la viande, la quantité d’oméga-3 dépend de la nourriture qu’il reçoit. »

 

Des risques identifiés

D’après le rapport Calipso, trois catégories de polluants terrestres sont principalement incriminées dans les risques potentiels liés à la consommation de produits de la mer : les métaux lourds (mercure, cadmium, plomb, arsenic...), les hydrocarbures polycycliques (HAP) (3) et les polluants organiques persistants (POP). « PCB, dioxines, furanes... Les POP sont stockés dans la matière grasse d’abord des poissons, puis des gens qui les mangent, précise-t-il. Une règle peut néanmoins limiter la contamination par ces perturbateurs endocriniens : préférer les produits pêchés dans les mers ouvertes aux eaux brassées (4). » Les poissons d’élevage présentent quant à eux un autre risque lié à la surpopulation : « Pour prévenir toute épidémie bactérienne, des antibiotiques leur sont donnés. Une pratique qui, même si elle évolue, est à l’origine du phénomène de résistance devenu un problème de santé publique majeur », alerte Bernard Schmitt (5). Plus confidentiels, d’autres problèmes guettent les consommateurs. Les adeptes du poisson cru doivent se méfier de l’anisakidose, une infection allergisante transmise par des larves de vers présentes dans la chair crue ou mal cuite. Pour l’éviter, l’Institut de veille sanitaire (InVS) conseille de congeler tout poisson sept jours avant de le consommer cru.

 

Un dilemme éclairé

Saumon, sardine, maquereau... Ces poissons gras sont à la fois les plus riches en oméga-3 mais aussi en POP. Mais alors de quel côté la balance bénéfice/risque de la consommation des produits de la mer penche-t-elle ? Pour le déterminer, l’Anses s’est appuyée pour la première fois, non pas sur une estimation de l’exposition aux acides gras et contaminants des participants de l’enquête, mais sur la mesure de certains marqueurs biologiques (taux d’imprégnation) corrélés aux habitudes alimentaires des individus. C’est ainsi que l’agence est parvenue à établir les recommandations suivantes :

Pour la population en général :

- Consommer deux portions de poisson par semaine, dont un poisson gras (saumon, sardine, maquereau, hareng, truite fumée...).

- Varier les espèces et les lieux d’approvisionnement (grandes surfaces, poissonneries).

- Limiter à deux fois par mois la consommation de poissons d’eau douce fortement bioaccumulateurs (anguille, barbeau, brème, carpe, silure).

- Cuire à cœur le poisson de mer frais.

Pour les enfants de moins de trois ans, les femmes enceintes ou allaitant :

- Limiter la consommation de poissons prédateurs (lotte, loup, bonite, flétan, dorade, merlu, sabre, thon...) à une seule fois par semaine.

Perception des produits de la mer par les consommateurs

 

Les +

Fraîcheur

Plaisir gustatif

Convivialité

Image de la nature

Image de la pêche artisanale

Respect de l'environnement

Bon pour la santé

Riche en oméga-3

 

Les -

Risques liés à la pollution (mercure, métaux lourds, plastique)

Destruction de l'environnement

Prix élevé

Saisonnalité

Difficulté de préparation culinaire (longue, compliquée)

Problème d'odeurs

Fragilité du produit

 

Schéma inspiré de l’étude Cogépêche. http://halieutique.agrocampus-ouest.fr/pdf/4591.pdf.

 

Julie Danet

(1) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail en partenariat avec le ministère chargé de l’Agriculture et l’Inra dans quatre régions côtières françaises - Étude des consommations alimentaires de produits de la mer et imprégnation aux éléments traces, polluants et oméga-3 » - août 2006.

(2) Rapport Consommation des poissons, mollusques et crustacés : aspects nutritionnels et sanitaires pour l’homme, Anses - décembre 2010.

(3) Présents dans l’air, l’eau ou l’alimentation, les HAP sont des constituants naturels du charbon et du pétrole, ou proviennent de la combustion incomplète de matières organiques (carburants, bois, tabac).

(4) Lire aussi p. 8-9, l’article sur les perturbateurs endocriniens.

(5) Lire le dossier Santé humaine, santé animale, une seule santé dans Sciences Ouest n° 349-février 2017.

Bernard Schmitt
schmitt.lorient@yahoo.fr

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