«Le doute et l’esprit de nuance me travaillent en permanence.»
Portrait
Professeur en art, esthétique et humanités numériques(1)
Journaliste ou grand reporter dans le domaine de la culture et des faits sociétaux. Ce que j’ai fait en partie dans les rédactions du Monde et des Inrockuptibles, avant de faire le choix d’embrasser une carrière universitaire.
Des concepts provisoires pour qualifier des pratiques artistiques et culturelles comme l’esthétique de la basse définition. Avec Internet, nous fréquentons quotidiennement des données - images, sons, textes - dégradées. Cela a fortement modifié notre sensibilité et nous compensons l’imperfection en y réinjectant de l’imaginaire et un désir sans fin de relations sociales plus directes.
Dans ma pratique de recherche, la critique artistique, on parle plutôt de contingence que de hasard. Mes objets d’étude sont le plus souvent des cas singuliers qui dépendent de circonstances particulières. De fait, un esthéticien consigne, examine, évalue et interprète des pratiques qui auraient pu ne pas être.
Certaines conditions de travail. Je vois autour de moi de plus en plus de collègues pressés et stressés et je le suis moi-même. La satisfaction n’est plus souvent au rendez-vous... Cela peut nous faire perdre l’essence même de notre métier. La recherche doit rester un plaisir.
Quand on pose cette question, il est déjà trop tard ! Je vais être provocateur mais je pense à deux choses : les chaînes d’informations continues et les smartphones. Ils nous conduisent à faire l’expérience d’un présent qui s’épuise sur lui-même. Sur les chaînes d’informations, une actualité en chasse une autre de manière frénétique, de même qu’un événement peut occuper les programmes une semaine entière. La pratique répétée du scrolling(2) sur nos smartphones m’interroge : on creuse, on creuse... pour aller chercher quoi au final ?
Je pense qu’il faut distinguer la découverte de l’innovation qui va en découler. C’est là où les valeurs de l’humanisme jouent un rôle fondamental.
Le doute et l’esprit de nuance me travaillent en permanence. J’ai identifié deux cas de crise de la faculté de penser qui me conduisent à la recherche de la rationalité. La sidération : comment la violence et le surgissement d’événements, comme les attentats, peuvent terrasser notre capacité à comprendre. Et la fascination : quand quelque chose m’éblouit ou me plaît d’emblée, cela m’effraie. Je cherche à comprendre pourquoi.
(1) Lire le dossier p. 10 à 18.
(2) Action qui consiste à faire défiler une page vers le bas de l’écran pour y voir un contenu qui se trouve en dehors.
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du magazine Sciences Ouest