Y a-t-il des spermatozoïdes ?
Un test permettant de diagnostiquer la présence ou non de spermatozoïdes est en cours de développement à Rennes.
Quand un couple rencontre des problèmes d’infertilité, les causes sont masculines dans un cas sur deux. Or, dans un tiers des infertilités masculines, la cause est incomprise...
L’absence de spermatozoïdes peut être due à un problème d’obstruction ou de nécrose du canal qui transporte le sperme (azoospermies obstructives), ou à une anomalie de production par le testicule (azoospermies non obstructives) due, dans la grande majorité des cas, à l’arrêt de maturation de la lignée germinale. Il faut savoir que la fabrication des spermatozoïdes (spermatogenèse) est très complexe et se déroule dans le testicule à l’intérieur des tubules séminifères qui mesurent au total... 250 m de long pour chaque testicule ! Dans ce cas, des biopsies testiculaires peuvent être proposées aux patients pour tenter de récolter quelques spermatozoïdes résiduels qui seront utilisés en fécondation in vitro. Mais ce geste chirurgical, très invasif, se solde en plus par un échec dans la moitié des cas : c’est-à-dire qu’on ne trouve pas du tout de spermatozoïdes.
L’inventaire des protéines du sperme
« L’idéal serait de proposer la biospie testiculaire aux patients chez qui on est sûr de trouver des spermatozoïdes », explique Charles Pineau, chercheur à l’Inserm et directeur de Protim(1). L’idée d’un diagnostic, basé sur l’inventaire et la caractérisation des protéines présentes dans le plasma séminal dans lequel baignent normalement les spermatozoïdes, est née en 2009, de discussions avec des collaborateurs cliniciens de l’infertilité. »
Le plasma séminal résulte de secrétions de quatre organes : le testicule, l’épididyme, les vésicules séminales et la prostate. Les chercheurs ont donc commencé par caractériser de façon aussi complète que possible les protéines du plasma séminal puis par identifier les protéines d’origine testiculaire et plus spécifiquement germinale. Ils en ont trouvé 92 ! Toutes protégées par un brevet déposé en novembre 2011. « Nous avons commencé à travailler sur douze d’entre elles, c’est-à-dire à fabriquer des anticorps monoclonaux capables de les reconnaître », poursuit Charles Pineau. Pour être efficaces, les anticorps sont fabriqués, non pas à partir d’une protéine entière, mais d’un morceau très spécifique de la protéine (peptide). La fabrication des peptides de synthèse puis des anticorps(3), leur sélection et leur mise en production..., toutes ces étapes demandent du temps.
Un premier test en 2016
Un jeu d’anticorps permettant de doser trois premières protéines devrait être prêt d’ici à la fin de l’année : « Il sera ensuite testé dans les centres de procréation médicale assistée (PMA). » Pendant ce temps, la production de nouveaux anticorps dirigés contre une douzaine de protéines supplémentaires parmi les 92 va continuer au laboratoire, grâce à un nouveau financement de la Fondation pour la recherche médicale qui entre en œuvre ce mois-ci. Pour arriver à l’objectif final : mettre sur le marché un dosage simple qui permette de dire avec certitude au patient si oui ou non il y a présence de cellules germinales matures dans le testicule et donc si la biopsie peut être envisagée avec confiance.
(1) Dans quatre cas sur dix ils proviennent de la femme, et dans les trois cas restants les deux membres du couple sont impliqués.
(2) Plate-forme Protéomique Biogenouest, Inserm U1085 - Irset.
(3) La production d’anticorps monoclonaux a été confiée à la société Biotem, basée en Isère.
Nathalie Melaine
Tél. 02 23 23 43 66
nathalie.melaine [at] univ-rennes1.fr (nathalie[dot]melaine[at]univ-rennes1[dot]fr)
Charles Pineau
Tél. 02 23 23 52 79
charles.pineau [at] inserm.fr (charles[dot]pineau[at]inserm[dot]fr)
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