Observateurs des populations

N° 330 - Publié le 7 avril 2015
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Les épidémiologistes repèrent les méfaits des substances toxiques sur la fertilité en suivant des familles.

Les biologistes observent nos cellules et nos gènes. Cécile Chevrier et Ronan Garlantézec, eux, s’intéressent directement aux populations. Depuis 2002, avec leurs collègues de l’Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail (Irset(1)), ces épidémiologistes suivent près de 3500 familles, la cohorte Pélagie. « Nous avons recruté les mères au début de leur grossesse, explique Cécile Chevrier, aujourd’hui nous suivons leurs enfants. » Ce qui les intéresse : mesurer l’effet de substances chimiques sur la santé, notamment les Polluants organiques persistants, les POP (les PCB, utilisés comme isolants électriques jusqu’aux années 70, par exemple, ou encore des retardateurs de flammes que l’on trouve dans nos canapés ou matériaux électroniques aujourd’hui). Des substances qui ne sont plus nécessairement utilisées, mais dont les traces subsistent et s’accumulent dans la chaîne alimentaire. Et peuvent se retrouver dans le sang, le sang de cordon notamment, dont des échantillons ont été conservés pour chacune des femmes de la cohorte.

Coquillages, crustacés et fertilité

Parmi les effets étudiés, les chercheurs ont mesuré l’incidence de ces POP sur la fertilité. « Nous avons voulu connaître le délai qu’il a fallu à ces femmes pour tomber enceinte, poursuit Cécile Chevrier. Et le tiers des femmes les plus exposées ont un délai nécessaire à concevoir (DNC) d’un ou deux mois supérieur à la moyenne. » Un effet subtil, mais statistiquement significatif. « En parallèle, nous avons lancé un questionnaire sur l’alimentation. Nous avons interrogé les femmes sur leur consommation habituelle, hors grossesse, puis sur leur consommation de coquillages et de crustacés, susceptibles de contenir des POP. Plus elle est élevée, plus le DNC s’allonge, mais cela semble indépendant de l’effet des POP. » Reste à déterminer ce qui, dans ces aliments, peut engendrer un tel effet.

Un intérêt nouveau pour les femmes

Ronan Garlantézec, de son côté, se penche sur les solvants, ces produits chimiques dont la propriété est de dissoudre, d’extraire ou de diluer d’autres substances. Ils sont très présents dans les milieux professionnels, comme les pressings ou les laboratoires d’analyses chimiques, mais aussi dans notre quotidien, dans les produits cosmétiques, ou les produits d’entretien. « Nous avons déjà pu mettre en évidence une association entre la présence de certains esters de glycol dans les urines et un allongement du délai nécessaire à concevoir. Aujourd’hui, je souhaite lancer un projet pour mesurer l’effet de ces solvants sur l’altération de la réserve ovarienne, une affection qui semble toucher de plus en plus de femmes. » Contrairement au DNC qui évalue la fertilité du couple, ce projet s’intéresse à la fertilité féminine, une thématique en expansion dans la capitale bretonne. Avec d’autres collègues de l’Irset, ils vont travailler avec cinq centres d’aide médicale à la procréation de Bretagne et des Pays de la Loire. Le projet, premier du genre en France, devrait commencer en septembre.

Céline Duguey

(1) L’Irset est une unité mixte de recherche Inserm, Université de Rennes 1, École des hautes études en santé publique (EHESP), en association avec l’Université des Antilles et de la Guyane, le CNRS et les CHU de Rennes et Pointe-à-Pitre.

Cécile Chevrier
cecile.chevrier [at] inserm.fr (cecile[dot]chevrier[at]inserm[dot]fr)

Ronan Garlantézec
ronan.garlantezec [at] ehesp.fr (ronan[dot]garlantezec[at]ehesp[dot]fr)

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