Ils font baisser les watts
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À Lorient, chercheurs et entreprises s’associent pour lancer une grande opération innovante de sensibilisation à la maîtrise des dépenses en électricité.
Comment accompagner les ménages dans la transition énergétique ? Comment les aider à diminuer leurs dépenses en électricité ? Douze partenaires coordonnés par ERDF organisent une expérimentation de grande ampleur pour répondre à ces enjeux très actuels. L’opération Solenn(1) rassemblera près de mille volontaires des villes de Lorient et Ploemeur, chez qui un compteur intelligent Linky(2) sera installé à partir de cet été jusqu’en 2017. Le but ? Évaluer la pertinence de plusieurs dispositifs complémentaires du Linky. Ces outils informeront les utilisateurs en temps réel sur leur consommation électrique et leur proposeront des actions pour réaliser des économies.
Numérique et psychologie
Certains foyers ne profiteront que d’un affichage de la consommation brute sur un écran. D’autres auront accès à des informations plus complètes, disponibles sur tablette ou ordinateur. « Nous travaillons sur les systèmes électroniques et le traitement massif de données que ça implique mais aussi sur la psychologie des utilisateurs pour adapter au mieux l’ergonomie des interfaces, explique Pascal Berruet, coordinateur scientifique du projet et chercheur au Lab-Sticc(3), à l’Université Bretagne-Sud (UBS). Faut-il présenter les dépenses en kW ou en euros ? Faut-il imaginer des défis à relever, indiquer l’effort qu’il reste à fournir pour atteindre un objectif ? Au fil de l’expérience, nous modifierons les interfaces en fonction des exigences des utilisateurs. »
Responsabiliser les gens
Les volontaires pourront également bénéficier d’un suivi individuel ou collectif par l’Agence locale de l’énergie, Aloen. Ce coaching permettra à chacun d’identifier ses usages énergivores et d’apprendre à les limiter. Deux associations de consommateurs, UFC Que choisir 56 et la Confédération syndicale des familles, sont présentes pour garantir la bonne prise en compte des intérêts des consommateurs.
Une opportunité pour ERDF de tester auprès des clients une nouvelle fonction d’écrêtement ciblé : « Lorsque le réseau est trop sollicité sur un territoire donné, nous sommes exceptionnellement amenés à couper l’électricité chez 20 % des habitants pour éviter une coupure généralisée, c’est ce qu’on appelle un délestage, explique Mireille Chauveau, adjointe du directeur régional d’ERDF en charge des relations clients. Au lieu de ça, nous voudrions que chaque foyer, une fois alerté du risque de coupure, réduise temporairement de lui-même la puissance qu’il utilise (par exemple de 50 %), ce qui garantirait à tous un confort de vie tolérable. » Ainsi, les équipes d’ERDF développent des algorithmes permettant d’assurer l’alimentation électrique minimale requise tout en économisant suffisamment de puissance pour sécuriser le réseau. Au cours des deux prochains hivers, ERDF simulera plusieurs écrêtements auprès d’une partie des mille expérimentateurs. « Si les gens ne réagissent pas d’eux-mêmes aux messages d’alertes, leur installation électrique disjonctera car la puissance qu’on leur envoie sera automatiquement diminuée. » Le laboratoire Irea(4) de l’UBS, spécialisé en marketing, s’est associé au laboratoire Ici(5) de l’UBO pour étudier la forme des messages adressés aux consommateurs afin qu’ils soient les plus efficaces possible.
Les collectivités impliquées
« L’idée est aussi d’aider les collectivités à mobiliser leurs habitants dans la durée, souligne Hervé Majastre, directeur du service Relations entreprises à l’UBS, qui a participé à la mise en place du projet Solenn. Des efforts en économie d’énergie sont déjà réalisés dans le BTP avec les bâtiments basse consommation, et les systèmes - machines à laver, chaudières... - sont de plus en plus performants. Il reste la dimension humaine : la consommation peut être multipliée par six d’un foyer à l’autre, dépendamment des habitudes des utilisateurs ! » Financé à hauteur de cinq millions d’euros par l’Ademe(6), le projet Solenn s’achèvera à la fin de 2017. « L’évaluation du rapport coût/bénéfice aura pour but d’identifier le mode de sensibilisation le plus pertinent pour inviter les usagers à diminuer leur consommation, poursuit Mireille Chauveau. On pourra ensuite penser à la démultiplication de l’opération au niveau national. »
Un enjeu régional
La maîtrise des dépenses électriques est l’un des plus gros enjeux du Pacte électrique breton cosigné en 2010 par l’État, la Région Bretagne, l’Ademe, RTE(7) et l’Anah(8). Un effort indispensable particulièrement lié à la Bretagne, qui ne produit que 12 % environ de sa consommation et dépend donc fortement de ses voisines. Sans compter que chaque année depuis 2001, la consommation électrique de la région augmente deux fois plus qu’au niveau national du fait de son dynamisme économique et démographique(9) !
(1) Solidarité énergie innovation.
(2) www.erdf.fr/ Linky.
(3) Laboratoire des sciences et techniques de l’information, de la communication et de la connaissance, en collaboration avec le laboratoire Lussi de Télécom Bretagne (psychosociologie), les sociétés Delta Dore, Vity (domotique) et l’entreprise Niji (systèmes d’information).
(4) Institut de recherche sur les entreprises et les administrations.
(5) Laboratoire Information coordination incitations.
(6) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
(7) Réseau de transport d’électricité, filiale d’EDF.
(8) Agence nationale de l’habitat.
Mireille Chauveau
mireille.chauveau [at] erdf.fr (mireille[dot]chauveau[at]erdf[dot]fr)
Pascal Berruet
pascal.berruet [at] univ-ubs.fr (pascal[dot]berruet[at]univ-ubs[dot]fr)
Hervé Majastre
herve.majastre [at] univ-ubs.fr (herve[dot]majastre[at]univ-ubs[dot]fr)
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