De l’énergie en circuit court
Dans les îles et les ports, les énergies marines renouvelables pourraient être produites et surtout consommées sur place.
Pour ne plus dépendre des énergies fossiles acheminées depuis le continent ou pour minimiser les pertes d’électricité liées à son transport sur le réseau, l’une des solutions pourrait être de consommer une électricité produite localement comme le proposent l’entreprise Sabella et le projet Emacop(1).
Décarboner l’électricité des îles
C’est dans les puissants courants du passage du Fromveur, au large de l’île d’Ouessant, que la société quimpéroise Sabella s’apprête à mettre à l’eau en mars prochain, son hydrolienne construite dans le port de Brest. « Avec ses 17 m de haut et ses 450 t, ce démonstrateur d’échelle 1, baptisé D10, sera immergé à 55 m de profondeur et raccordé au réseau local électrique de l’île, annonce Jean-François Daviau, P-DG de Sabella. D’une puissance maximale de 1 MW, il devrait fournir 15 à 20 % de l’énergie consommée par les Ouessantins. » Un premier pas vers l’indépendance énergétique de l’île qui brûle chaque année, dans sa centrale thermique, deux millions de tonnes de fioul.
Si le rendement annoncé de D10 est atteint, trois à quatre hydroliennes pourraient être installées par la suite et subvenir à 70 % des besoins énergétiques de l’île.
« Atteindre les 100 % sera difficile en raison du coût des unités de stockage nécessaires pour pallier en totalité l’intermittence de la production électrique des hydroliennes. Lors des étales des marées de vives eaux, ces courts moments pendant lesquels le courant est nul, nous pourrons redistribuer l’électricité préalablement stockée sur des batteries lithium-ion. En revanche, la centrale thermique devra prendre le relais lors des marées de mortes eaux (trois à cinq jours par mois) durant lesquelles la production sera fortement diminuée. » L’installation de compteurs Linky, qu’étudie EDF, pourrait également faciliter la gestion de la consommation d’électricité sur l’île. « Ces compteurs “intelligents” pourront être paramétrés en heures creuses/heures pleines en fonction des cycles des marées afin de différer la consommation électrique lorsque la production est importante. » Un bon moyen d’inciter les habitants à adapter leur demande à l’offre disponible au fil de la journée.
Fabriquée au pied des digues
Le projet Emacop propose quant à lui d’installer des engins de récupération d’énergies marines sur des ouvrages côtiers et portuaires existants ou en construction. « Nous avons examiné, par exemple, l’intérêt d’installer des hydroliennes devant la digue du port du Havre Antifer. Ainsi, on profiterait non seulement d’un courant accéléré naturellement par la digue mais également d’une maintenance et d’un raccordement facilités par la proximité du port », souligne Philippe Sergent, directeur scientifique au Cerema(2) et porteur du projet. La réflexion actuelle portant sur la notion de réseaux “fermés” pourrait, en outre, permettre au port du Havre d’exploiter directement cette énergie.
Dans le Finistère, à Esquibien, la digue du port pourrait se voir greffer un système houlomoteur oscillant au passage des vagues.
« Par ce mouvement vertical, le flotteur récupère 10 à 20 % de l’énergie de la vague. » Et ce, deux fois de suite : au premier passage de la vague puis lorsqu’elle est réfléchie par la digue. Autant d’idées originales qui pourraient bien participer au développement des circuits courts en matière d’énergie !
(1) Énergies marines, côtières et portuaires.
(2) Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.
Jean-François Daviau
Tél. 02 98 10 12 35
jf.daviau [at] sabella.fr (jf[dot]daviau[at]sabella[dot]fr)
Philippe Sergent
Tél. 03 44 92 60 30
philippe.sergent [at] cerema.fr (philippe[dot]sergent[at]cerema[dot]fr)
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