Les jeux utilisés en recherche

N° 316 - Publié le 13 janvier 2014
© Patrick Hertzog - Afp
À la fois humains et irrationnels, nos comportements dans certains jeux expliquent les situations de congestion sur les routes ou à l'entrée des magasins.

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Au laboratoire d’économie expérimentale de Rennes, le jeu sert d’outil pour comprendre les comportements dans la société.

Prises de décisions, interactions, stratégies d’anticipation : les jeux et l’économie se ressemblent sur bien des aspects. Pour cette raison, la microéconomie est notamment basée depuis les années 1950 sur la théorie des jeux. « Cette théorie est une hypothèse de départ qui dit essentiellement que l’individu en interaction stratégique avec les autres est parfaitement rationnel, explique Laurent Denant-Boèmont, chercheur en économie expérimentale à l’Université de Rennes 1. Elle n’est pas toujours pertinente. Le jeu permet de la tester et de préciser sa portée en fonction des situations. C’est un outil de compréhension des comportements dans la société. Il peut également être utile pour expérimenter à petite échelle une politique publique avant qu’elle soit mise en place(1). »

Des comportements irrationnels

Laurent Denant-Boèmont étudie notamment l’économie de la congestion : « Dans la salle d’expérimentation du Labex-em(2), nous reconstituons une situation de bouchon comme on peut en voir sur les axes routiers aux heures de pointe. » Le jeu est proposé à quinze personnes, chacune installée dans un box isolé, jouant via une interface informatique. Un choix leur est proposé : si elles entrent dans un magasin, elles gagnent, en euros, neuf moins le nombre de personnes entrées. Si elles n’entrent pas, elles gagnent de façon certaine un euro. « L’expérience est répétée un grand nombre de fois. À la fin, les joueurs repartent réellement avec leurs gains pour ne pas biaiser les résultats », précise le chercheur. Le calcul est vite fait, plus il y a de monde à entrer, plus les gains individuels et de groupe diminuent. Cela simule l’effet “bouchon” sur les routes. Mais ce jeu présente un dilemme social car les joueurs tendent naturellement vers l’équilibre de Nash - huit individus entrent dans le magasin et tout le monde gagne un euro - ce qui n’engendre pas le meilleur gain. Celui-ci serait obtenu si seulement quatre d’entre eux entraient. « Même si le nombre d’entrées est affiché en temps réel, les joueurs continuent d’y aller, ce qui reflète un manque de rationalité. » En revanche, si une taxe est imposée à l’entrée d’une route, les gains du groupe augmentent.

Au départ, les règles du jeu proposées sont simples. Les chercheurs ajoutent ensuite des paramètres contrôlés et observent leur influence. « La théorie juge que le contexte ne devrait rien changer aux comportements, continue Laurent Denant-Boèmont. En réalité, on constate que de nombreux facteurs jouent. »

Du fair-play, oui, de l’altruisme, non

L’effet de groupe, les petites probabilités (une chance sur quatorze millions de trouver les six bons numéros au loto) et la peur de perdre sont des facteurs qui peuvent inciter à la prise de risques. « Et la communication contribue parfois à renforcer la coopération. L’affichage des photos des joueurs peut même suffire ! » Quant à l’altruisme, ce n’est pas un élément aussi puissant que l’on peut supposer. Les joueurs se punissent mutuellement quand ils considèrent que le comportement des autres n’est pas fair-play. Les prochains départs en vacances ne dérogeront donc pas à la règle, il y aura fatalement des bouchons !

Klervi L’Hostis

(1)Lire Sciences Ouest n° 240 - février 2007.

(2)À la faculté des Sciences économiques de Rennes, place Hoche.

Laurent Denant-Boèmont Tél. 02 23 23 35 83
l.denant-boemont [at] univ-rennes1.fr (l[dot]denant-boemont[at]univ-rennes1[dot]fr)

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