Les vers de terre sortent de leur trou !
De mieux en mieux connus, les lombriciens sont désormais des acteurs incontournables des sols en pleine santé.
Pas glamours les vers de terre ? C’est certain. Mais utiles, oui : il n’y a plus de doutes là-dessus. Agriculteurs, gestionnaires de parcs, éducateurs, jardiniers professionnels... se les arrachent. Même les particuliers, dans leur jardin, commencent à ne plus les regarder qu’avec dégoût. Tout le monde veut tout savoir sur les bienfaits des lombriciens ! Chercheurs en écologie fonctionnelle au laboratoire Écobio(1) et basés à la Station biologique de Paimpont, Daniel Cluzeau et Guénola Pérès ne sont pas pour rien dans cette nouvelle marque d’intérêt.
À chacun son protocole
Depuis 2010, ils pratiquent la science participative, qui permet à chacun de mettre les mains dans la terre. « Cela a commencé avec les agriculteurs, explique Daniel Cluzeau, pour lesquels on a adapté, c’est-à-dire simplifié le protocole expérimental que nous utilisons en recherche, pour qu’il soit plus facile à mettre en œuvre. Puis, nous l’avons de nouveau dégradé pour le grand public », (lire encadré p. 11). Le participatif permet de tester des milliers de mètres carrés par an, alors que les chercheurs seuls ne peuvent en couvrir qu’une centaine ! « L’autre avantage de ces interactions avec les agriculteurs, c’est que pendant que nous les formons, nous apprenons beaucoup grâce à leurs questions », ajoute-t-il.
Menés depuis plus de trente ans, les travaux des chercheurs de Paimpont les placent aujourd’hui au cœur d’un réseau de programmes nationaux et internationaux. Ce sont eux qui ont introduit le suivi des paramètres biologiques dans le Réseau de mesures de la qualité des sols(2) (lire p. 10 à 12). Ils ont aussi commencé à établir un référentiel, c’est-à-dire un descriptif des conditions les plus favorables aux lombriciens, non contaminées par l’activité humaine. Une sorte de t = 0. Les mesures sont réalisées dans les prairies permanentes, où les populations sont abondantes. La quantité et la proportion entre les trois grandes catégories de vers de terre tempérés (épigées, endogés et anéciques) sont relevées. Après, des comparaisons sont possibles avec d’autres milieux plus exposés aux pesticides, par exemple, dans lesquels il y aura moins de vers de terre. « Notre but est aussi d’associer ces communautés à des fonctions ou des services rendus à l’homme, explique Guénola Pérès. Comme la transformation de la matière organique, la conservation de la structure du sol... »
Les docteurs du sol
« Nous essayons de ne pas perdre de vue les questions sociétales, les évaluations économiques liées à l’agrosystème », précise Daniel Cluzeau. Ainsi, depuis les années 85, les chercheurs bretons se rendent en Champagne pour aider les viticulteurs à favoriser la restauration de la diversité des vers de terre au pied des vignes via le développement de diverses pratiques contribuant à leur fournir plus de nourriture : amendements organiques et enherbement des rangs contribuent ainsi à limiter les processus d’érosion. Leur présence est le gage d’un sol de bonne qualité, ce qui peut être répercuté en image de marque sur le produit final. Une démarche similaire est appliquée depuis les années 90 en Bretagne, sur les systèmes de polyculture, à la suite du développement de l’agriculture biologique, de l’agriculture de conservation ou encore plus récemment de l’agriculture intensivement écologique. Dans le cadre du projet Bioindicateurs(3) mis en place par l’Ademe, les lombriciens sont même utilisés pour restaurer les sols dans des sites hautement contaminés. « Nous avons le cas d’un site où le sol a été chauffé à plus de 600 °C pour y enlever toute trace de polluant organique. C’est ce qu’on appelle un néosol : il ne contient absolument aucune trace de vie », poursuit Daniel Cluzeau. Or, depuis quatre ans, grâce à des mélanges avec diverses matières organiques, la vie reprend ses droits.
(1)UMR CNRS 6553 de l’Université de Rennes 1.
(2)www.sols-de-bretagne.fr/biodiversite-des-sols.
(3)Étude des bioindicateurs menée par vingt et un laboratoires dans treize sites et cinquante et un contextes. http://ecobiosoil.univ-rennes1.fr/ADEME-Bioindicateur.
Daniel Cluzeau Tél. 02 99 61 81 61
daniel.cluzeau [at] univ-rennes1.fr (daniel[dot]cluzeau[at]univ-rennes1[dot]fr)
Guénola Pérès Tél. 02 23 23 65 38
guenola.peres [at] univ-rennes1.fr (guenola[dot]peres[at]univ-rennes1[dot]fr)
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