Le fer, une richesse oubliée

N° 311 - Publié le 16 juillet 2013
© BRGM - JEAN-MICHEL SCHROETTER
Argiles rouges d'altération repérées à Saint-Médard-sur-Ille (35).

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Le fer n’est plus exploité. Mais ses traces intéressent les spécialistes de l’histoire de l’homme et des paysages.

Imaginez : si l’on soulevait le sol actuel sur dix à cinquante centimètres d’épaisseur, la Bretagne prendrait alors les teintes rouges à blanches, caractéristiques de l’Afrique ou de l’ouest de l’Australie ! Un rouge et un blanc qui traduisent la présence de fer dans les sols. « On retrouve ces zones à l’occasion de travaux comme le creusement d’une autoroute, par exemple, explique Jean-Michel Schroetter, géologue au BRGM(1) de Rennes.

Ces profils sont le résultat d’un processus in situ d’altération de la roche initiale, qui, en Bretagne, est souvent du granit ou du schiste. »

Il est la conséquence de phénomènes tectoniques qui favorisent la circulation de l’eau et de climats chauds et humides. C’est l’eau qui a altéré le granit par hydrolyse et la chaleur ambiante, jouant le rôle d’un catalyseur, accélère la réaction. Certains métaux, comme le fer, se sont alors concentrés - d’où la couleur rouge de la terre - allant même jusqu’à former une cuirasse à la surface. En Afrique, elles peuvent encore mesurer une dizaine de mètres mais en Bretagne, elles ont presque complètement disparu, dissoutes par les remontées du niveau de la mer. Très connue, celle de la forêt de Paimpont fut l’une des plus exploitée en Bretagne. Les forges sont encore là pour en témoigner.

Du fer à l’eau

Pour sa thèse(2) sur la reconstitution de l’histoire des paysages anciens (paléopaysages et paléoreliefs), Paul Bessin est à l’affût de tout ce qui peut le mettre sur les traces du fer issu de ces cuirasses. « Les sites où il a été exploité peuvent me mettre sur la voie de zones altérées grâce auxquelles je peux remonter jusqu’à la paléotopographie. » Les zones altérées présentent un autre intérêt pour le doctorant : elles cachent parfois des roches fracturées qui peuvent abriter un autre élément précieux : l’eau ! Une richesse toujours recherchée, même en Bretagne.

Un “filon” très ancien

Il existe une autre façon de retrouver du fer : en cherchant des scories, qui sont des déchets de métallurgie. C’est précisément ce que fait Cécile Le Carlier, spécialiste de paléométallurgie au Centre de recherche en archéologie, archéosciences, histoire à l’Osur(1), secondée par un réseau de prospecteurs bénévoles dévoués : « Les scories révèlent des sites de production de masses de métal, qui nous mettent sur la piste d’éventuels gisements exploités depuis le premier âge du fer, précise-t-elle. À cette époque, il suffisait de se baisser pour récolter des boulettes dans les champs. Il ne s’agit pas de gisements au sens où les géologues l’entendent. Il n’y avait pas de hauts fourneaux, ni d’histoire de rentabilité comme actuellement. »

Résultat : dans la base de données qu’elle constitue depuis six ans, Cécile Le Carlier a recensé plus de 1000 sites de production et mines (95 % concernent le fer), dont certains ne figurent pas sur les zones riches en minerai des cartes géologiques actuelles. « Des sites comme celui de Elliant-Scaër, à l’est de Quimper, celui situé entre Bignan et Moréac dans le Morbihan ou en encore le nord de l’Ille-et-Vilaine ont été exploités à l’âge du fer jusqu’au Moyen Âge, mais pas après. »

(1)UMR CNRS 6566, composant de l’Observatoire des sciences de l’Univers de Rennes.

NB
Cécile Le Carlier Tél. 02 23 23 67 16
cecile.lecarlier@univ-rennes1.fr
NATHALIE BLANC

(1)BRGM : Bureau des recherches géologiques et minières.

(2)Thèse coencadrée par Jean-Michel Schroetter du BRGM et François Guillocheau du laboratoire Géosciences de l’Osur.

Jean-Michel Schroetter Tél. 02 99 84 26 72

m.schroetter [at] brgm.fr (m[dot]schroetter[at]brgm[dot]fr)

 

Paul Bessin

paul.bessin [at] univ-rennes1.fr (paul[dot]bessin[at]univ-rennes1[dot]fr)

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