Quand la radio devient intelligente
Autonomes et capables de s’adapter à leur environnement, voilà que les systèmes radio gagnent en intelligence.
C’est encore et toujours de la course au débit qu’est né le concept de radio intelligente, formalisé par le chercheur américain, Joseph Mitola, en 1999. Découpé en bandes que se partagent plusieurs utilisateurs (militaires, télévisions, radios...), le spectre des ondes électromagnétiques est connu pour être saturé. Pourtant, si l’on y regarde de plus près, à un instant donné, et en un endroit précis, on constate que seule une très faible partie est utilisée. L’idée de Joseph Mitola était donc d’arriver à se servir de toutes les bandes de façon optimale, en détectant et utilisant les portions libres et en les libérant lorsque l’utilisateur primaire (qui a priorité) en a besoin. Bref, en faisant de la radio intelligente ! C’est-à-dire en donnant aux systèmes radio la capacité de prendre connaissance de leur environnement via des capteurs et de pouvoir réagir en fonction des informations que ces derniers fournissent.
Intelligente et verte à la fois
Cette capacité a déjà été étudiée en informatique sous le nom d’intelligence artificielle dès les années 50. Mais dans le domaine de la radio, c’est beaucoup plus récent car « ce n’était pas si évident à imaginer. Et surtout, cela nécessite des capacités de calcul importantes qu’on ne pouvait pas fournir avant », explique Jacques Palicot, responsable de l’équipe de recherche SCEE(1) à Supélec et auteur d’un livre de référence dans le domaine(2). Ses collaborateurs (une petite trentaine de personnes) travaillent activement depuis 2004 sur les développements théoriques et la simulation de tous les éléments de la chaîne : les capteurs eux-mêmes puis le transfert de l’information jusqu’au moteur de prise de décision qui, en fonction de l’apprentissage et de l’expérience, aboutit à l’action, c’est-à-dire à la reconfiguration du système qui lui permet de s’adapter à son environnement radio.
L’équipe rennaise a aussi connecté cette approche à l’écoradio, ou radio verte. Moins de dix équipes dans le monde travaillent de cette façon. Rendre la radio verte consiste à prendre en compte les économies d’énergie, mais aussi la pollution électromagnétique. Prenez un téléphone : il a été conçu pour fonctionner dans n’importe quel environnement, même les plus complexes, alors que la plupart du temps, il se trouve dans une zone bien couverte et que toutes ses fonctionnalités ne sont pas sollicitées. Interagir avec son environnement lui permettrait, par exemple, de repérer les conditions plus favorables, d’alléger les traitements et de consommer moins d’énergie.
Le concept s’intègre par petites briques
« Je pense que la radio intelligente n’a pas vocation à devenir une norme que l’on va trouver partout comme le Wi-Fi... C’est plutôt un concept qui commence à s’intégrer dans les nouveaux standards, par petites briques, poursuit Jacques Palicot. Il existe déjà des stations de base qui peuvent, par exemple, choisir entre différentes modulations ou antennes. La 4G, en cours de déploiement, intègre aussi des fonctionnalités de radio intelligente et même Bluetooth choisit ses fréquences en fonction des disponibilités. » C’est sûr, les équipements qui nous entourent deviennent de plus en plus intelligents...
Des collaborations de haut niveau
Le professeur chinois Honggang Zhang arrivera à Rennes en décembre prochain. Il sera accueilli pour deux ans par l’équipe Signal, communication et électronique embarquée, dirigée par Jacques Palicot à Supélec, dans le cadre d’une chaire UEB-Coming Labs.
« Son approche de l’écoradio intelligente est complémentaire de la nôtre, note Jacques Palicot. Sa venue est pour nous une reconnaissance. Nous allons beaucoup progresser à son contact, et réciproquement. »
(1)SCEE: Signal, communication et électronique embarquée, équipe de l’UMR CNRS 6164 : IETR. (2)Voir rubrique Pour en savoir plus ci-dessous.
Jacques Palicot Tél. 02 99 84 45 41
jacques.palicot [at] supelec.fr (jacques[dot]palicot[at]supelec[dot]fr)
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