« Chercheur n’est pas un métier, c’est une pulsion, une angoisse, un effort pour échapper à sa condition. »
Portrait
Professeur d'immunologie
Je suis médecin. De toute façon, chercheur n’est pas un métier, c’est une pulsion, une angoisse, un effort pour échapper à sa condition. Tout être humain est un chercheur, fût-ce pour comprendre ce que c’est qu’un être humain. C’est surtout le cas des créatifs : peintres, compositeurs, romanciers et poètes... Ils ont une chance extraordinaire. J’aurais tellement voulu être comme eux.
Je pourrais répondre que j’ai trouvé le chat de la mère Michel. Aussi, que nous avons découvert une sous-population de lymphocytes sécrétant une molécule que personne ne connaît. Plutôt, ce que je sais aujourd’hui, c’est que je ne sais rien !
Deux idées dans votre question : le hasard, et l’aide apportée par lui. Que le hasard soit intervenu : oui 10, 100, 1000 fois. Son ingérence m’a-t-elle aidé ? Je l’ignore, car personne ne sait ce qui ce serait passé en son absence.
Dieu merci, je ne sais pas. J’ai l’intuition confuse d’avoir négligé la beauté des choses : la mer, le ciel, le vent et des gens : ma famille, mes proches.
Ce n’est pas ce que l’on trouve qui est maléfique, c’est l’usage que l’on en fait. Prenez la télévision : c’est une invention superbe. En pratique, elle déverse des tombereaux d’âneries et nous rend plus dociles. Pensez à la théorie de Darwin sur l’évolution. C’est un progrès extraordinaire dans l’approche du monde. Il a d’abord contrarié les Églises en démentant les textes sacrés. Ensuite, ont été mis en exergue la sélection et la hiérarchie des individus et des peuples. Enfin... le fascisme. L’horreur absolue.
Rien ne change radicalement la vie. Nous faisons semblant de croire que c’est important, mais nous savons que ça ne l’est pas. Ce que je voudrais comprendre c’est le temps. Existe-t-il ? Qu’est-ce que c’est ? Quel insondable mystère. Dans Le temps où nous chantions, le livre de Richard Powers, le jeu favori de la famille est de démontrer que le temps n’existe pas.
En première analyse, tout est rationnel. Même le “421” obtenu en jetant les dés. Si nous comprenions les lois physiques régissant leur course, nous connaîtrions le résultat et gagnerions chaque fois. Au fond de moi, je sais que cet échafaudage repose sur de l’irrationnel. Sinon, il n’y aurait pas de chercheurs.
TOUS LES PORTRAITS
du magazine Sciences Ouest