De quel genre êtes-vous?

N° 291 - Publié le 13 octobre 2011
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En écho à notre expo "Homme-femme", Sciences Ouest a rencontré les chercheurs bretons qui étudient le genre.

A peine le ventre d’une femme s’arrondit-il que c’est LA question que tout le monde pose : fille ou garçon ? Depuis l’apparition de l’échographie, la durée du suspense a même été raccourcie et, à peine né, le bébé se trouve affublé d’un bracelet rose ou bleu. Mais pourquoi est-il si important de faire la différence entre les sexes ?

Pour une raison très simple au départ : la survie de l’espèce ! Chez tous les animaux, y compris l’homme, la fécondation des ovules par les spermatozoïdes rend obligatoire le rapprochement des individus de sexes différents. « Pour qu’il y ait rapprochement, il faut qu’il y ait attirance, de préférence entre individus de sexe opposé », explique Olivier Kah, neurobiologiste à l’Université de Rennes 1(1). La nécessité du rapprochement a généré de multiples stratégies de séduction (plumage, chant, phéromones, parade...). « Il s’en suit que certains circuits cérébraux diffèrent d’un sexe à l’autre. Chez les animaux, notamment les rongeurs, les études scientifiques ont pleinement démontré le rôle des hormones dans la genèse de ces différences liées au sexe au niveau de certaines régions du cerveau. » Évidemment, cette réponse n’est pas satisfaisante quand on parle de l’animal terrestre le plus évolué qu’est l’homme, chez qui la sexualité ne se limite plus à la reproduction. L’homme est devenu un animal social, avec un cerveau qui s’est beaucoup développé, notamment au niveau du cortex cérébral, là où siègent les fonctions du raisonnement, de la réflexion, du langage...

L’homme est devenu un animal social

Le résultat de cette évolution et de cette complexité est que la détermination du genre n’est plus simplement une question de biologie (lire Comprendre dans l'article Qui veut jouer au soldat rose ?). La différenciation sexuelle se poursuit pourtant et touche aujourd’hui beaucoup d’autres comportements, autres que ceux liés au sexe. Qui n’a jamais entendu dire que : les femmes ne savent pas s’orienter dans l’espace ; qu’elles sont plus sociables ; que les hommes sont plus doués pour les travaux de construction... ? Et là, il existe deux courants de pensée. Celui qui prône l’importance de l’inné, qui dit que tout est programmé par la génétique ; et celui de l’acquis, qui donne une plus grande part à l’environnement. En France, ce dernier est notamment relayé par la neurobiologiste Catherine Vidal, connue pour ses nombreux ouvrages sur le sujet(2). En effet, grâce aux progrès réalisés dans le domaine de l’imagerie médicale, on arrive maintenant à relier une action à une zone active du cerveau. Des enseignements qui mettent en évidence l’extraordinaire plasticité du cerveau et sa capacité à fabriquer sans cesse de nouveaux circuits. L’étude du cerveau de musiciens ou de sportifs de haut niveau montre que ces circuits sont même réversibles : que la zone développée pour l’activité peut revenir à son état initial, si elle devient tout à coup moins sollicitée. Les circuits se font et se défont à l’envi, modelés par l’environnement, l’éducation, la culture... Chaque cerveau apparaît comme unique, même celui des vrais jumeaux, et on ne pourrait donc pas affirmer qu’il y a plus de différences entre hommes et femmes qu’entre chaque individu.

Chez les enfants de 2 à 6 ans

Bien qu’en accord avec ces faits, Gaïd Le Maner, psychologue du développement, et Stéphanie Barbu, éthologiste, deux Rennaises qui travaillent ensemble sur l’étude du comportement des enfants entre 2 et 6 ans, montrent qu’il existe bien des différences liées au sexe (lire l'article Qui veut jouer au soldat rose ?), qui ne sont pas figées dans le temps... « Plus on travaille sur ce sujet et plus on se rend compte de sa complexité et de la dimension plurifactorielle de cette construction psychologique », note Gaïd Le Maner. La vérité se trouve sûrement entre les deux, entre “le tout biologie” et le “tout environnement”. Mais certaines idées ont la vie dure. Celle selon laquelle les hommes seraient plus intelligents que les femmes car leur cerveau est plus gros est apparue à la fin du 19e et n’est tombée que récemment. Le cerveau de l’homme n’est parfois pas aussi plastique que l’on pourrait le croire !

L'exposition "Homme-femme : testez vos différences !"

La polémique de la rentrée

Née aux États-Unis dans les années 70, la théorie du genre a fait son entrée dans nos programmes(3) de SVT(4), dans les classes de première (L et ES). Et crée la polémique de la rentrée. Certains y voient un danger par le fait qu’elle minimise le rôle de la biologie et maximise celui de la société dans la construction de l’identité sexuée faisant de la différence psychique entre homme et femme une pure construction sociale. Pour d’autres, elle ne nie pas le sexe biologique mais prend en compte les facteurs sociaux-éducatifs dans la construction de l’identité sexuelle. Rappelons à cette occasion les trois facettes de l’identité : l’identité de genre qui renvoie à une construction sociale ; l’identité sexuée qui combine construction biologique (cette construction étant elle-même le résultat de l’action de plusieurs facteurs – lire Comprendre sur La naissance et la différence) et sociale et l’identité sexuelle qui intègre l’orientation sexuelle. Le poids des mots, dans cette histoire, est important.

Nathalie Blanc

(1) Responsable de l’équipe “Neurogénèse, aromatase et oestrogènes” dans l’UMR CNRS 6026 - Interactions cellulaires et moléculaires (ICM).
(2) Hommes, femmes avons-nous le même cerveau ? Les petites pommes du savoir, Le Pommier, 2007.
(3) Dans le module Féminin/masculin dans les nouveaux chapitres : Devenir homme ou femme et Vivre sa sexualité.
(4) SVT : Sciences de la vie et de la terre.

Olivier Kah  Tél. 02 23 23 67 65
olivier.kah [at] univ-rennes1.fr (olivier[dot]kah[at]univ-rennes1[dot]fr)

Gaïd Le Maner  Tél. 02 99 14 19 40
gaid.lemaner-idrissi [at] uhb.fr (gaid[dot]lemaner-idrissi[at]uhb[dot]fr)

Stéphanie Barbu  Tél.02 23 23 67 71
stephanie.barbu [at] univ-rennes1.fr (stephanie[dot]barbu[at]univ-rennes1[dot]fr)

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