Je suis persuadé que le monde qui nous entoure est parfaitement rationnel

Portrait

N° 286 - Publié le 3 juin 2014
© Pierre Maraval
L'épreuve par 7
Cédric Villani

Mathématicien, lauréat de la médaille Fields en 2010

Magazine

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Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ?

Parmi les métiers que j’ai regrettés, il y a interprète de musique. Je suis pianiste amateur, mais depuis quelques années, je n’ai plus le temps de pratiquer. Sinon, artisan. J’ai beaucoup d’admiration pour tous ces métiers : menuisier, ébéniste, fromager, boulanger... Ce sont les bases essentielles de la vie. Ou encore créateur d’instruments de musique, luthier.

Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ?

Aujourd’hui, rien encore. Mais hier, j’ai découvert que le troisième mouvement du premier concerto pour piano de Brahms était idéal pour amuser mes enfants. C’est un morceau très dansant, qui fait beaucoup rire ma fille.

Le hasard vous a-t-il déjà aidé ?

Oui, monstrueusement ! Dans mes découvertes et dans mes rencontres. Par exemple, en 2004, j’étais professeur invité au Miller Institut, à Berkeley aux États-Unis. Et au même moment, John Lott, un mathématicien américain était invité dans un autre établissement de la même ville.
Il avait entendu parler de mes recherches, il a frappé à ma porte et cela a donné naissance à l’une des collaborations les plus importantes de ma carrière. C’est d’ailleurs un conseil que je donne aux plus jeunes : laissez faire le hasard, n’essayez pas de tout planifier.

Qu’avez-vous perdu ?

J’ai déjà perdu au moins deux lavallières auxquelles je tenais, ainsi que deux ou trois nœuds papillon. Je ne sais pas comment, en colloque, en déplacement... J’ai également perdu une de mes broches araignée, dans le métro à Paris. Et des stylos, je perds tous mes stylos. Désormais j’en ai tout le temps cinq ou six avec moi, et une dizaine dans mon sac, pour être sûr qu’il m’en reste au moins un !

Que faudrait-il mieux ne pas trouver ?

Ce qu’il va nous arriver, le futur. Il faut que tout reste imprévisible, sinon c’est la fin, on perd l’enthousiasme de la découverte, ce qui fait avancer.

Quelle est la découverte qui changerait votre vie ?

Celle qui changerait ma vie comme celle de beaucoup de monde, c’est une source d’énergie abondante et propre. Aujourd’hui nous n’avons pas de solutions. Je culpabilise à chaque fois que je prends l’avion, ou un bain.

Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ?

Je suis persuadé que le monde qui nous entoure est parfaitement rationnel, contrairement aux comportements humains. Mais il est tellement compliqué qu’il est difficile de l’appréhender dans sa globalité. Les lois de la physique n’en sont qu’un reflet.

Interviewé par téléphone, par Céline Duguey, avant sa venue à Rennes pour sa conférence du 29 mars.

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