Digérer les makis, une spécialité japonaise ?
Actualité
Des biologistes de Roscoff viennent de montrer que les Japonais possèdent une enzyme que les Occidentaux n’ont pas. Pour mieux digérer l’algue rouge.
Sushi, sashimi, maki... Ces mets japonais ont la cote en France et en Europe. Un véritable engouement venu du pays du Soleil-Levant. Pourtant, nos intestins ne sont pas aussi bien équipés que ceux des Asiatiques pour digérer une des algues qui entre dans la recette de certains de ces plats.
Dans une étude parue le 8 avril dernier(1), des biologistes de Roscoff viennent de montrer que les Japonais abritent dans leur système digestif une enzyme jusqu’alors inconnue. « La porphyranase. Cette enzyme est produite par une bactérie présente dans leurs intestins, explique Gurvan Michel, l’un des auteurs de l’étude. Elle est capable de digérer le porphyrane, un sucre complexe présent dans la paroi des algues rouges utilisées dans la cuisine asiatique. »
Neuf venaient des bactéries marines
Au départ, l’équipe étudiait une bactérie découverte il y a plus de dix ans à la surface de ces mêmes algues rouges. « Et là, en observant son génome, nous avons découvert qu’elle pouvait produire cette enzyme que nous ne connaissions pas ! » Un doctorant, Jan-Hendrik Hehemann, s’est alors lancé le défi de trouver quelle molécule cette enzyme pouvait bien dégrader. « Il l’a testée sur des extraits de parois d’une très grande quantité d’algues et de plantes marines. » Un travail colossal ! « Une fois l’interaction avec le porphyrane identifiée, nous avons interrogé des bases de séquences ADN mondiales et nous y avons retrouvé la porphyranase à une dizaine de reprises. » Toutes correspondaient à des enzymes produites par des bactéries marines. Sauf une, secrétée par une bactérie de la microflore intestinale humaine, isolée chez des volontaires... japonais !
Un transfert de gènes
Pour comprendre comment la porphyranase est arrivée là, il faut remonter le temps. Depuis des millénaires, les algues rouges sont consommées quotidiennement par les Japonais. « Il s’est produit, il y a sûrement des milliers d’années, un transfert de gènes entre les bactéries de l’algue et celles des intestins. C’est un phénomène courant. Ce qui ne l’est pas, c’est que ce transfert perdure ! Lorsque ça arrive, c’est que la bactérie y trouve un intérêt : ici, de pouvoir digérer de grandes quantités d’algues. » Une adaptation au mode alimentaire impressionnante ! Que nous, Occidentaux, ne sommes pas près d’égaler avec trois sushis aseptisés par semaine.
Gurvan Michel
Tél. 02 98 29 23 30
gurvan [at] sb-roscoff.fr (gurvan[at]sb-roscoff[dot]fr)
(1)Transfer of carbohydrate-active enzymes from marine bacteria to Japanese gut microbiota. Jan-Hendrik Hehemann, Gaëlle Correc, Tristan Barbeyron, William Helbert, Mirjam Czjzek & Gurvan Michel. Nature.
TOUTES LES ACTUALITÉS
du magazine Sciences Ouest