Sortir de la ville, un choix ?
Quand l’extension des villes rime avec l’étalement des classes populaires. Le point de vue de la géographie sociale.
«Tout part des habitants ! L’étalement urbain ne se limite pas à l’analyse de données quantitatives en matière d’occupation du sol. C’est avant tout un transfert de population des zones urbaines vers leur périphérie », note Olivier David, chercheur en géographie sociale et directeur du laboratoire rennais Eso-Rennes(1). Conséquences de ce transfert : à Rennes comme dans d’autres villes d’Europe (le phénomène est différent en Amérique du Nord), c’est à la périphérie, à 40-50 km du centre-ville, que se concentrent les taux de croissance les plus élevés de population. « La part des moins de 20 ans est importante : il s’agit de familles jeunes dans lesquelles les responsables du ménage ont entre 30 et 49 ans et qui ont des enfants en bas âge. » Les deux parents sont souvent actifs et doivent se déplacer pour se rendre sur leur lieu de travail.
On va vivre à la campagne ?
Certains font ce choix car aller vivre à la campagne est pour eux synonyme de meilleure qualité de vie. Pour d’autres, l’achat en périphérie correspond à leur capacité d’endettement. « La carte est très claire, reprend Oliver David. Les catégories socioprofessionnelles supérieures sont plus nombreuses en centre-ville et première couronne et diminuent avec l’éloignement. »
Développer les transports
Mais ce raisonnement est-il valable à long terme ? Car souvent, les pôles d’activité ne sont pas aussi déconcentrés et les familles doivent alors avoir recours à des moyens de transport, des services de garde d’enfants... qui représentent des coûts en plus. « Il ne faut pas négliger les conséquences de ces coûts mais aussi de l’organisation temporelle sur la vie de famille. » Ce modèle est-il soutenable ? « On commence tout juste à répondre à ces questions, notamment en termes de transport », poursuit Oliver David.
Même si une ville comme Rennes a une politique très active en ce qui concerne les transports en commun, elle trouve ses limites : les zones d’habitation dépassent aujourd’hui le cadre de la métropole. Des réflexions sont en cours au sujet des lignes interurbaines, par exemple. « Elles ont été prévues pour relier les villes entre elles et pas pour effectuer des allers-retours entre le domicile et le travail. »
Enfin, le chercheur relève que l’homogénéité sociale est plus importante dans les communes périphériques que dans les centres urbains qui comptent des quartiers populaires. C’est le cas à Rennes, mais aussi à Saint-Malo, à Fougères et à Vitré. Cette homogénéité est-elle seulement une conséquence immobilière ou une volonté de “l’entre soi” ? « Il est difficile de faire la part des choses. C’est un point qui a été soulevé pour la première fois par le sociologue Éric Maurin(2). » Si 20% de logements sociaux sont imposés dans les grosses villes, dans les petites, cela dépend du contexte.
(1) Eso : Espaces et sociétés.
(2) Le ghetto français, enquête sur le séparatisme social, Paris, Le Seuil, octobre 2004.
Olivier David, Tél. 02 99 14 18 43
olivier.david [at] univ-rennes2.fr (olivier[dot]david[at]univ-rennes2[dot]fr)
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