La fertilité en danger

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N° 270 - Publié le 9 août 2014

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Les facteurs environnementaux susceptibles de perturber notre fertilité sont pointés du doigt par les scientifiques.

« Et si les activités industrielles humaines étaient susceptibles de compromettre non seulement la santé des individus mais aussi leur capacité à se reproduite c’est-à-dire à perpétuer l’espèce ? » Sensible voire « psychogène et passionnelle, selon Bernard Jégou, biologiste et toxicologue de la reproduction à l’Université de Rennes 1, la question des risques pesant sur notre fertilité inquiète. » En collaboration avec Pierre Jouannet, médecin, et Alfred Spira, médecin épidémiologiste, il vient de publier un livre intitulé La fertilité est-elle en danger ?(1) synthétisant les travaux pluridisciplinaires sur l’évolution de la santé reproductive humaine.

Les indices du danger

« Plusieurs marqueurs témoignent du bouleversement de notre fertilité : en plus de l’augmentation significative des cas de cancers du testicule et de certaines malformations congénitales, la production spermatique des hommes occidentaux a globalement baissé de 50% en 50 ans », annonce Bernard Jégou. Compte tenu de la rapidité de ces évolutions, de leur survenue dans des zones géographiques distinctes et sur diverses espèces animales, les scientifiques privilégient l’implication de facteurs environnementaux à celle de facteurs génétiques.

L’environnement incriminé

Outre certains facteurs physiques (chaleur, lumière...) et psychosociaux (stress, tabac, alcool, nutrition...) qui affectent la fertilité, les facteurs chimiques (médicaments, solvants, métaux...) présents dans l’environnement (eau, air, alimentation...) sont particulièrement mis en cause et notamment lesdits “perturbateurs endocriniens” (PE). Sortes d’imposteurs chimiques, ces molécules sont capables de se lier aux récepteurs hormonaux des cellules et d’altérer les fonctions telles que la croissance ou la reproduction.

Le fait d’être exposé chaque jour à ces facteurs physiques et chimiques multiplie les risques pour l’homme notamment pendant sa vie pré- et néonatale où sa sensibilité à la toxicité de certaines substances est accrue. D’où l’importance de recommander aux femmes enceintes d’éviter les contacts avec certaines substances (cosmétiques, produits phytosanitaires, pesticides...).

Certains pesticides et autres polluants sont aujourd’hui interdits en raison de leurs effets endocriniens néfastes pour la santé des individus mais aussi de leur descendance. Quant au Bisphénol A (BPA), retrouvé dans la composition de jouets, peintures, colles, solvants, plastiques, vêtements... « Malgré l’accumulation d’indices quant à sa dangerosité chez l’animal, il est aujourd’hui scientifiquement impossible de dire s’il est, oui ou non, dangereux chez les humains. Cependant, le fait que l’on retrouve dans le lait maternel des concentrations de BPA, mêmes faibles, est inquiétant. La mère n’a plus les moyens de s’en protéger. »

Légiférer sans certitude

« S’il est important d’avoir un faisceau de présomption suffisant, il ne faut pas toujours attendre les certitudes scientifiques, parfois difficiles à obtenir, pour justifier l’interdiction d’une substance. » Pourtant, dans certains cas, l’interdiction est difficile à promulguer. « Interdire le DDT, un insecticide agissant comme un PE, interdit en France, dans les pays victimes du paludisme serait criminel tant qu’aucun autre produit inoffensif pour la santé humaine ne peut le remplacer de manière efficace. » Un défi majeur à relever par l’industrie.

Un nouvel institut de recherche à Rennes

Unique en France, le nouvel Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset) a pour objectif de mieux comprendre les effets des facteurs environnementaux sur la santé humaine. Ce centre associe des équipes de recherches rennaises et guadeloupéennes(2), soit 160 scientifiques de spécialités diverses (biologie, physiologie, médecine, épidémiologie, toxicologie...). Ensemble, ils travailleront à combler le manque de connaissances sur la façon dont les facteurs environnementaux présents dans l’air, l’eau, les aliments et les produits de consommation interagissent avec les autres déterminants de santé (génétiques, sociaux et comportementaux). L’un des objectifs de cette collaboration est notamment de comparer les effets de deux environnements, la Bretagne et la Guadeloupe, présentant des analogies (situation littorale et agriculture importante) sur la santé des populations.

Julie Danet

(1) Biologiste et toxicologue de la reproduction, Bernard Jégou est président du conseil scientifique de l’Inserm et directeur de l’unité Inserm 625 - Université de Rennes 1. Pierre Jouannet est médecin à l’hôpital Cochin et professeur à l’Université René-Descartes. Médecin épidémiologiste, Alfred Spira est professeur de santé publique à l’Université Paris Sud-XI et directeur de l’Institut de recherche en santé publique (IReSP).
(2) Le Groupe d’étude de la reproduction chez l’homme et les mammifères (Inserm U625, Universités de Rennes 1, des Antilles et de la Guyane), l’Unité de recherche Signalisation et réponses aux agents infectieux et chimiques (Université de Rennes 1), l’École des hautes études en santé publique (EHESP) avec la collaboration importante des Centres hospitaliers universitaires de Rennes et de Pointe-à-Pitre.

Bernard Jégou, Tél. 02 23 23 69 11
bernard.jegou [at] rennes.inserm.fr (bernard[dot]jegou[at]rennes[dot]inserm[dot]fr)

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