Un air frais venu du cosmos

N° 262 - Publié le 18 novembre 2014
© Aura-Noa-NSF
Les physiciens rennais recréent, en laboratoire, l’environnement des nuages interstellaires. Comme ici, la nébuleuse de la Rosette.

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Comment étudier les molécules détectées au télescope ? En recréant, en laboratoire, l’environnement glacial du cosmos.

Les astrophysiciens ne sont pas seuls dans l’Univers. Ils collaborent avec d’autres scientifiques, qui font des expériences en laboratoire. Grâce aux télescopes et aux sondes, les astrophysiciens décryptent les signaux électromagnétiques de l’espace (rayonsX, infrarouges et ultraviolets, ondes radios). Ces signaux permettent d’identifier les molécules inconnues du cosmos. Mais l’observation astrophysique ne suffit pas : il faut faire des réactions chimiques “en vrai” ! « Nous fabriquons des nuages interstellaires miniatures, que nous sondons avec des lasers et des spectromètres de masse », explique André Canosa, responsable de l’équipe Astrochimie expérimentale de Rennes(1), à l’Institut de physique de Rennes. 

Les nuages moléculaires

Dans ce laboratoire, les réactions chimiques sont originales : elles se font à très basse température. Car dans les espaces interstellaires, il fait très froid. « La majorité des 150 molécules découvertes dans l’espace, depuis 1937(2), l’a été dans les nuages moléculaires. Dans ces nuages “denses” (100000 atomes/cm3), aux températures extrêmes (-260°C), le bestiaire moléculaire est très important. » Certaines de ces molécules sont connues sur Terre, comme le méthanol(3), d’autres(4) existent sur Terre, mais leur durée de vie est très courte. Pour y voir clair dans les nuages interstellaires, les astrochimistes font réagir au laboratoire les molécules observées, en se basant sur les modèles des astrophysiciens... et sur leur propre intuition, qui leur fait penser à d’autres réactions chimiques.

La formation des étoiles

Mais les expériences “froides” posent toujours problème. Contrairement à ce qui se passe dans l’espace, les molécules de gaz se condensent ! « Pour faire une réaction chimique en phase gazeuse, à basse température, il faut éliminer le problème des parois. Pensez à votre réfrigérateur : les molécules d’eau se condensent sur les bords. » Afin que le gaz ne rencontre pas la paroi, où elles se solidifieraient, les molécules sont accélérées. Dans un caisson unique au monde(5), elles sont aspirées par une pompe à vide, pour atteindre la vitesse supersonique de 1000m/s ! La réaction chimique se mesure ensuite grâce à un rayon laser.
« Des effets microscopiques, au départ, ont des conséquences macroscopiques sur l’effondrement gravitationnel, dans les nuages denses. Nous entrons dans le détail, pour savoir comment se forment les étoiles. » Les chercheurs du laboratoire cosignent des articles scientifiques avec des astrophysiciens “interstellaires”, mais également avec les planétologues. Car les atmosphères sont parfois glaciales, comme sur Neptune (-230°C). Le laboratoire s’intéresse aussi, depuis peu, aux hautes températures, par exemple celles des enveloppes circumstellaires.

Nicolas Guillas

(1)Dans l’UMR6251CNRS - Université de Rennes1.
(2)Depuis les années70 et le développement de la radioastronomie, cinq nouvelles molécules sont découvertes, en moyenne, chaque année.
(3)CH3OH.
(4)CH par exemple.
(5)Une tuyère de Laval. Cette installation, unique pour ce type d’étude, a valu à l’équipe le prix européen Descartes en 2000.

André Canosa
Tél. 02 23 23 69 96
andre.canosa [at] univ-rennes1.fr (andre[dot]canosa[at]univ-rennes1[dot]fr)

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