Soigner sa phobie sans psy
Une arachnologue aide les arachnophobes. Et s’il suffisait de mieux les connaître pour les accepter ?
« Je ne dis pas qu’il faut aimer les araignées, mais tout au moins apprendre à vivre avec elles ! », Christine Rollard connaît bien les araignées. L’ancienne étudiante rennaise, aujourd’hui arachnologue au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, reçoit ponctuellement des personnes souffrant de phobies des araignées. « Je ne suis pas psychiatre ni psychologue, mais elles s’adressent à moi, spontanément, pensant que je peux les aider, ou sur avis de leur psychiatre qui souhaite, à un stade de la thérapie, faire intervenir un spécialiste de l’animal. Bien sûr, je ne refuse pas, je considère même que cela fait partie de mon métier. » Chacun sa compétence pour aider à surmonter la phobie. La naturaliste ne décrypte pas le mécanisme de la peur, mais aide à accepter le petit animal pour ce qu’il est.
Belles et propres
« C’est un adage, mais nous avons peur de ce que nous ne connaissons pas. Aussi, je pars de ce qui les effraie, pour leur ouvrir les yeux sur certains aspects des araignées : qui elles sont, où elles vivent... » Par exemple, à celui qui les trouve sales, la scientifique prouve le contraire « Elles se lavent ! C’est seulement sur la toile que se trouvent poussières et restes de proies. » Ou encore devant cette artiste qui affiche une répulsion, elle joue la carte esthétique : « regardez ces couleurs ! » Un rejet pour une espèce ? « Ne vous arrêtez pas à celle-là, il y en a beaucoup d’autres bien plus jolies dans la nature, regardez ! »
La naturaliste nous apprend à observer ce qui nous entoure, sans préjugés. Elle aborde les rumeurs et les légendes “infondées” avec recul et prouve l’utilité de ces animaux aux plus réticents. « Les araignées mangent des insectes beaucoup plus nuisibles qui peuvent provoquer des maladies ou transmettre des virus. »
Une ou deux heures
Pour Christine Rollard, les araignées font simplement partie de la nature. À ce titre, elles méritent notre intérêt comme n’importe quel autre animal. « Qu’on éprouve une petite répulsion due à la surprise, c’est justifié. Mais pas plus. » La scientifique est persuadée qu’apprendre à mieux connaître aide à accepter. « Selon le degré de peur, une ou deux heures d’échange peuvent suffire. » Alors, prenons rendez-vous tout de suite !
Une peur qui remonte à l’enfance
«Personne n’est indifférent face à une araignée. » dixit Alain Canard, de l’Université de Rennes1. Certains en sont fans. D’autres les ont en horreur. Pourquoi ? Les raisons qui rendent une petite araignée capable de nous clouer sur place nous ramènent à notre petite enfance. « Les relations très complexes de l’enfant à son entourage entrent en jeu, explique Michèle Bompard-Porte, chercheur au centre de recherches en psychologie(1) à Brest. Un aspect sensoriel intervient également : c’est une petite bête qui peut nous marcher sur la peau, une relation très tactile qui ne sera pas vécue de la même façon selon notre histoire, les sensations auxquelles nous nous sommes habitués étant petits. » Déjà les Grecs de l’Antiquité ne voyaient pas l’animal d’un bon œil. La jeune Arachnea, tisseuse hors pair, fut ainsi condamnée par la déesse Athéna à être changée en araignée pour l’éternité. Une punition violente pour la jeune fille qui avait osé défier la déesse.
michele.bompard-porte@univ-brest.fr
(1) CRPSY, Université de Bretagne occidentale.
Christine Rollard
Tél. 01 40 79 35 75
chroll [at] mnhn.fr (chroll[at]mnhn[dot]fr)
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